Avec son nom qui évoque le fruit de l'accouplement lugubre entre Shape Of Despair et Swallow The Sun, Shape Of The New Sun semble être un énième révérend de la douleur prêchant dans une chapelle perdue au milieu d'une brume blafarde. Cependant le groupe n'est pas finlandais mais suédois et préfère réciter le credo d'un hard rock (trop) mélodique plutôt que les psaumes d'un doom funéraire.
Cette origine géographique assure, outre une habileté coutumière chez les rockers du royaume, une approche du genre sinon anachronique, au moins traditionnelle. Ne cherchant d'ailleurs nullement à révolutionner une recette qui a eu le temps de faire ses preuves depuis trente ans (au bas mot), cette jeune pousse forge avec efficacité et sincérité un matériau classique, illuminé de touches AOR mais auquel un grain un peu rugueux, notamment dans certaines lignes vocales du père Thomas Kihberg ('Dying Embers'), confère une dureté salvatrice quoique relative.
Il en résulte un album certainement trop lisse et mou de la douille pour l'amateur de rock bien burné et chargé d'une semence épaisse mais dont la classe effrontée le rend très agréable à suçoter comme une sucrerie un peu acidulée sans l'être trop. Tout y est parfaitement en place, propre et accrocheur, un peu facile par moments ('The Pain') et sans un poil qui dépasse. D'une élégance racée, les soli sont impeccables, zébrant quand il le faut ('Majestic') des compositions calibrées et solidement charpentées auxquelles il ne manque qu'un peu de folie pour s'élever vraiment au-dessus du niveau de la mer.
Ciselées avec un redoutable et éprouvé savoir-faire, les chansons, séduisantes et chaloupées, s'enchaînent sans fausse note, certaines d'entre elles brillant même d'un éclat flamboyant à l'image du reptilien 'Give It Up', doté d'un refrain que ne renierait pas David Coverdale, ou de 'Babylon' qui amorce l'écoute sur une note certes peu originale mais ultra efficace. Reste que l'ensemble ne s'impose guère par une personnalité aux abonnés absents, laquelle pointe néanmoins parfois le bout de son manche au détour de saillies vitaminées à la manière délicate d'un Thin Lizzy ('When The Curtain Falls') ou lorsque Shape Of The New Sun ralentit le tempo ('Worth Dying') ou affiche des traits légèrement plus heavy ('Divine').
Mais, s'agissant d'un premier coup, on ne peut que saluer le travail de ces Suédois qui se confondent avec de vieux mercenaires du genre, auteurs d'un galop d'essai dont nombreux sont les groupes qui aimeraient pouvoir lâcher un premier rot de ce calibre. En peaufinant son identité et en sentant un peu plus sous les bras, Shape Of The New Sun pourrait rapidement se tailler un nom au sein d'une scène rock mélodique biberonné aux années 70 et 80.