Malgré quelques petits soucis de santé, Andy Tillison poursuit l'aventure The Tangent avec ce qui pourrait être un nouveau cycle, le premier s'étant conclu avec l'album précédent ("A Spark in the Aether") qui se présentait comme un bilan de l'aventure entamée douze ans auparavant avec "The Music that Died Alone".
Pour cette nouvelle mouture, une fois n'est pas coutume, The Tangent conserve un line-up plutôt stable. Autour de ses habituels piliers que sont Jonas Reingold et Théo Travis, on retrouve une nouvelle fois le génial Luke Machin et ses guitares, tandis que sa comparse de Maschine Marie-Eve de Gaultier vient prêter sa voix et ses claviers à l'ensemble. L'autre nouveauté se situe en fait derrière les fûts, puisque Andy Tillison reprend un rôle qu'il avait abandonné depuis une trentaine d'années !
Pour ce qui est de la thématique de ce 9ème album studio, notre Anglais qui vécut quelques années en France a annoncé la couleur : feu sur les gouvernements occidentaux en général, le Britannique en particulier, et notamment le traitement qu'ils réservent aux réfugiés. Le visuel de la pochette est d'ailleurs particulièrement éloquent à ce sujet.
Côté musique, si certains attendaient une révolution dans le style (ou plutôt les styles !) proposé par The Tangent, ils en seront très vite pour leurs frais puisque 'Two Ropes Swing' nous emmène immédiatement sur les habituels sentiers arpentés par le groupe, avec un progressif typé 70's, traversé par de nombreuses interventions à la flûte, et quelques incursions folk/jazz. Passée cette courte introduction (en regard des quatre autres longues plages, pour un total de 75 minutes), le quintet va continuer à développer le concept, en y ajoutant toutefois quelques petites nouveautés. C'est ainsi que 'Slow Rust' voit l'arrivée de quelques sonorités électro (Andy Tillison évoque même un DJ ?), avec notamment un petit passage médian aux sonorités du Tangerine Dream des années 70, mais aussi plusieurs passages en spoken word, dans lesquels on comprend à quelques mots (Trump par exemple) que notre artiste déverse ici une bonne partie du venin qui doit bouillir en lui.
En revanche, ce qui ne change pas, c'est la capacité du groupe à construire des plages aux multiples variations tant mélodiques que rythmiques, qu'il serait difficile de décrire en détail. On retiendra néanmoins la large place faite aux instrumentistes sur tous les titres, et notamment sur 'The Sad Story of Lead and Astatine' avec un solo de saxophone ponctuant une belle ambiance club de jazz, suivi ensuite par un tricotage époustouflant à la basse accompagnée de flûte, et même un solo de batterie pour conclure l'ensemble.
Le summum de cette expression technique est atteint avec l'excellent instrumental 'Doctor Livingstone (I Presume)', rythmé par une ligne de basse ébouriffante et qui renvoie une impression de cohésion totale dans le groupe. Mais on ne peut également pas passer sous silence la splendide progression sur fond de rythmique floydienne basse/batterie présente dans 'A Few Steps Down the Wrong Road', poursuivie par un véritable travail de dentelière à la guitare, avant de prendre ensuite les allures d'un véritable hymne (12è minute), puis de virer au hard-rock pour finalement conclure une nouvelle fois avec quelques spoken word et une fin évanescente à la flûte.
Une nouvelle fois, The Tangent nous régale avec des compositions à tiroir qui jamais ne génèrent l'ennui, servies par une brochette de musiciens tous plus talentueux les uns que les autres. Reste toutefois un bémol à tout cela, constitué par la performance vocale d'Andy Tillison. Si son registre traînant colle parfaitement aux ambiances clubs de jazz et aux passages les plus intimistes, il atteint très vite ses limites lorsque la tessiture s'élève, encore plus dans les chorus et dans les parties musclées (et notamment dans le dernier titre). Sans être un frein à l'écoute en raison de la prédominance des parties instrumentales, cela empêche toutefois ce nouvel album d'atteindre la note maximale, bien que se révélant à mon sens supérieur à son prédécesseur.