En dehors du polémique coffret "The Sixpack" paru en 1987, ZZ Top n’a rien proposé à ses amateurs depuis maintenant cinq longues années. Après le succès phénoménal de ses deux précédents opus, il n’est pas étonnant que les Texans se soient accordé une pause, mais celle-ci commence à sembler longue à tous les aficionados. Voici donc que débarque "Recycler" en cette année 1990. Etant donné le peu de prises de risques sur "Afterburner" (1985) et les débats qui ont suivi la sortie de "The Sixpack" qui voyait les trois barbus et Bill Ham remixer cinq de leurs albums à la sauce synthétique, autant dire que le titre n’a rien de rassurant.
Démarche assumée ou provocation ? Le fait est que Billy Gibbons & Cie confirment ici qu’ils ne mentent jamais sur la marchandise qu’ils proposent et qu’ils comptent bien rester maîtres de leurs choix artistiques. Dans le cas présent, ils ont décidé de ne rien changer à la recette qui a fait le succès des incontournables "Eliminator" et "Afterburner". Leur hard-blues-rock synthétique est toujours d’actualité et il dégaine encore son lot de titres à l’efficacité imparable et aux riffs et refrains accrocheurs. Parmi ces derniers se trouvent les incontournables singles ‘Give It Up’ et ‘Doubleback’ qui squatteront la tête des charts pendant plusieurs semaines. Le second fait également office de bande originale au générique du troisième volet de la saga Retour vers le futur, dans lequel les membres du groupe font également une brève apparition.
Pas de temps mort dans cet opus, ni même de titre faible, mais un prégnant sentiment de déjà-entendu. ‘Concrete And Steel’ écrase tout sur son passage d’entrée de jeu mais il reprend tout de même fortement la recette de ‘Gimme All Your Lovin’. Le swing de ‘My Head’s In Mississippi’ est une véritable tuerie mais il ressemble comme deux gouttes d’eau à une adaptation de ‘La Grange’. Le cinglant ‘Decision Or Collision’ s’inscrit dans la droite lignée de ‘Dirty Dog’ et ‘Woke Up With Wood’, et ‘2.000 Blues’ est le petit frère cloné de ‘I Need You Tonight’ et de ‘Rough Boy’. Et si les autres titres souffrent de ressemblances moins évidentes, le moule de fabrication reste aisément identifiable et les ingrédients restent les mêmes que ceux qui ont fait le succès planétaire du groupe depuis une décennie.
Rarement un album aura aussi bien justifié son patronyme. ZZ Top recycle avec un talent et une efficacité incontestable et le résultat est encore sans faille. Il montre cependant une inspiration qui s’essouffle et met en exergue la nécessité impérieuse de se renouveler au plus vite pour les trois barbus avant de devenir leur propre caricature. Les amateurs apprécieront et profiteront d’une nouvelle salve de titres hyper accrocheurs mais la légende texane se doit d’offrir une réelle remise en question si elle ne veut pas perdre sa crédibilité à défaut d’un succès commercial qui risque lui aussi de se tarir à moyen terme.