"Hansel, Gretel E La Strega Cannibale" ressemble à une relique enfouie dans le sol italien depuis les années 80 et qui serait déterrée aujourd’hui par un tamiseur comme Black Widow dont le catalogue regorge de ces vestiges oubliés. Pourtant Dooweet, qui l’expose à la face du monde, n’est pas archéologue mais découvreur de talents souvent singuliers, toujours prometteurs.
Cette confusion s’explique par le fait que Viridanse, son géniteur, a en réalité déjà de nombreux kilomètres au compteur. Au départ en 1983, on trouve Flavio Gemma et Paolo Boveri, tous les deux issus des rangs de Blaue Reither. Deux courtes offrandes plus tard, "Benvenuto Cellini" puis "Mediterranea", l’équipage plonge dans un sommeil dont il ne se réveille que vingt-cinq ans après. Entouré de nouveaux musiciens, le groupe accouche enfin d’un premier véritable album longue durée en 2015 suivi de ce deuxième opus qui nous intéresse présentement dont une analyse au carbone 14 pourrait presque en garantir un enregistrement il y a trois décennies.
Si le style a changé, plus psyché moins darkwave quoique toujours rongé par une folie sournoise, les racines eighties n’ont pas été gommées, ce qui confère à ce rock déjanté cette patine un peu datée. Le chant reste ainsi très typé coldwave, les claviers brumeux n’échappent pas à la poussière (‘Alle Montagne Della Follia’) et même l’enrobage sonore, pourtant concocté par Lorenzo Stecconi (Ufomammut), possède un cachet vintage bien que non dénué d’une certaine énergie (noire).
C’est néanmoins dans ce substrat quasi antédiluvien que bourgeonne le charme empoisonné de Viridanse qui ne ressemble à rien, entraînant l’auditeur de Charybde en Scylla au gré d’une partition tordue aux allures de dédale aussi vicié que vicieux, aussi baroque que bariolé. Les paroles en italien achèvent d’en faire un omni, objet musical non identifié. La durée de ces pistes noueuses qui flirtent parfois avec les dix minutes au jus n’aide pas à la défloration de cet album qui puise dans les contes de fées d’autrefois sa démence et sa part d’ombre, errant tout du long au bord du fantastique à la manière d’une bande-son horrifique.
Indescriptible ou indigeste, "Hansel, Gretel E La Strega Cannibale" n’est pas cependant pas sans fasciner celui qui s’immerge dans les profondeurs de son intimité brûlante. Des sirènes venimeuses telles que ‘Aria’ ou ‘Scomunica’ envoûtent avec leurs attributs déroutants et rouillés par une lèpre sourde, avant de vous entraîner par une danse pulsative et hypnotique dans les méandres nocifs d’un monde au bord du chaos.
Est-ce génial ou au contraire abominable ? Chacun se fera son opinion. Mais il n’est pas interdit de déceler dans la chair de cet album qui ne peut laisser indifférent une espèce de beauté malsaine.