Shaka Ponk n'aura pas mis longtemps à se forger une belle réputation sur la scène française voire au-delà de nos frontières. En six albums, le groupe est devenu la figure de proue de la musique rock francophone en développant un patchwork savamment cultivé mélangeant les sons metal, soul, funk, hip hop et rock afin de former une couverture protéiforme sur laquelle aucune étiquette ne peut se coller. Ce succès s'est forgé à force de prestations scéniques énergiques aidées par un sens aigu de l'iconographie travaillée avec la mascotte Goz qui, sur la pochette du nouvel album, apparaît dans les bras (voire plus) de la représentation dessinée de Samaha en passe d'échanger un baiser fougueux (avec la langue svp).
"The Evol", comme son nom le voudrait, marquerait-il une progression ou une évolution du son de Shaka Ponk ? Pas si sûr. C'est en douceur que débute l'album sur la voix aiguë et sensuelle de Samaha pendant une minute sur des accords de guitare sèche, pour ensuite évoluer vers une musique taillée pour le live, le slam et diablement entraînante. C'est ça Shaka Ponk, de l'énergie à revendre, sans concession, bâtissant un mur sonore que l'auditeur se prend en pleine face. Tout est placé, peut-être un peu trop, entre flow hip hop et chant plus rugueux parfaitement exécuté musicalement. 'Gung Ho' synthétise d'emblée cela. Le titre sonne groovy, funky et metal (il fait penser un peu à Extreme dans cette recherche sonore).
Peu de changement donc chez Shaka Ponk, juste le souhait d'accentuer ce qui a été construit au fil des albums avec cette recherche afin de gagner en mélodie ('Fear Ya' avec ses effets synthétiques, presque symphonique et épique, 'Bunker' et son couplet-refrain entêtant, 'Mysterious Ways'), d'explorer des sonorités presque eighties ('Faking Love'), voire folk ('Summer Camp' et son ambiance au coin du feu) constituant une belle respiration au milieu de ce tsunami apocalyptique ('Killing Hallelujah').
Le groupe est tout à la fois le docteur Jekyll et Mister Hyde, capable dans un même titre de sortir une mélodie gentillette en apparence qui se transforme après quelques secondes en un tourbillon saturé de notes de guitares rageuses ('Wrong Side'). L'auditeur est ainsi pris dans un shaker au risque parfois de perdre le fil tant le groupe le secoue dans un cocktail qui cherche parfois à trop en faire ('Wakaman') à cause d'une densité à faire tourner la tête jusqu'à l'ivresse.
Ce nouvel album de Shaka Ponk confirme, s'il était encore nécessaire, que le groupe possède la science de la mélodie qui fait mouche en mélangeant les genres, même si tout paraît peut être trop recherché, bien placé et trop propre. Qu'importe, ce nouvel album demeure efficace, bourré d'une énergie positive qui fait du bien en ces temps torturés, et dont les titres déménageront sans aucun doute en live : il remplit ainsi parfaitement son rôle.