Avec "Battle Scars" (2015), Walter Trout avait offert un véritable témoignage dont l'émotion était le ciment. Revenu d'une terrible maladie, il avait fait une thérapie par cet opus qui avait touché les amateurs en plein cœur. Après une tournée en compagnie de son fils et un live intitulé "Alive In Amsterdam" (2016) dont le titre parlait de lui-même, le légendaire chanteur-guitariste revient avec un disque dont le concept reste original. En effet, si constituer un album entier de duos n'a rien d'exceptionnel, composer chaque titre en fonction de la personnalité de l'invité se révèle beaucoup plus rare et risqué.
Mais du haut de ses 66 ans, Walter Trout n'a plus peur de grand-chose et entend bien profiter de sa nouvelle vie sans réserve. Il relève donc ce défi haut la main en laissant découvrir au passage un carnet d'adresse qui laisse rêveur. Car pour chacun des 14 titres qui composent ce "We're All In This Together", ce sont de sacrées pointures qui partagent le micro, la guitare et d'autres instruments, avec la légende (sur)vivante du blues-rock. Seul son fils (Jon Trout), bien qu'il commence à se faire un prénom dans le milieu, semble échapper aux sommets de la reconnaissance du genre. Il est d'ailleurs à signaler que le titre partagé par le père et le fils ('Do You Still See Me At All ?') vient à nouveau prouver la complicité entre les deux chanteurs et guitaristes après leur présence commune sur "Alive In Amsterdam". Les nombreux soli de guitares n'ont rien à envier à ceux d'autres légendes que nous avons plaisir à retrouver tout au long de cet opus, mais seuls Warren Haynes ('The Sky Is Crying', gorgé d'émotions) et Randy Bachman ('Got Nothin' Left') réussissent à atteindre une telle complicité avec le maître des lieux.
Citer chaque titre et chaque interprète pourrait rapidement se révéler pénible, ce qui ne rendrait pas l'hommage qu'il mérite à ce "We're All In This Together" qui peut aisément faire figure de reflet positif de "Battle Scars". Car, autant ce dernier traduisait la pénombre d'une épreuve qui marquera son auteur jusqu'à la fin de ses jours, autant le nouvel album se fait lumineux et entraînant. Au registre des exceptions, nous noterons cependant 'The Other Side Of The Pillow', heavy blues sur lequel le chant profond et désabusé, et l'harmonica rutilant de Charlie Musselwhite viennent renforcer la lenteur oppressante du titre. Dans un registre plus reptilien, 'Too Much To Carry' bénéficie d'une intervention dans le même registre de la part de John Nemeth. A noter également la touche légère et mélancolique d'un 'Blues For Jimmy T.' acoustique et old school sur lequel Walter Trout retrouve son mentor de toujours : John Mayall.
Chaque titre mériterait d'être présenté et il paraît injuste de ne pas s'attarder sur les puissants et dynamiques 'Gonna Hurt Like Hell' (avec Kenny Wayne Shepherd) et 'We're All In This Together' (avec Joe Bonamassa), sur le magistral instrumental 'Mr. Davis' (avec Robben Ford), ou sur bien d'autres, mais ce qui revient finalement pour chaque morceau, c'est la faculté qu'a pu avoir Walter Trout à mettre chaque intervenant dans des conditions optimales pour qu'il puisse se sentir à l'aise et donne le meilleur de lui-même. Le véritable génie du maître des lieux, c'est d'avoir composé des titres adaptés à chacun de ses invités. Ces derniers le remercient en offrant un véritable recueil de superbes pépites que tout amateur du genre se devra de posséder.