Blackfinger fait partie de la catégorie des groupes que l'on pourrait qualifier de "former", c'est-à-dire plus connus pour les précédentes participations de leurs membres que pour leurs propres productions. En effet, comment ne pas évoquer ici la présence d'Eric Wagner, ancien chanteur de Trouble (formation culte des années 80) ? Comment ne pas signaler également qu'il est rejoint pour ce deuxième album par le guitariste Terry Watson, former member of Penance ? Trouble a eu une telle importance dans l'histoire du doom que l'on peut légitimement se demander si une vie est possible après et "When Colors Fade Away" tente d'apporter un début de réponse à cette question existentielle !
Commençons par signaler qu'il semble y avoir deux temps sur cet album. Une première partie plus directe, plus agressive, plus stoner aussi, qui va jusqu'à 'Crossing The River Turmoil' et une seconde plus aérée, plus atmosphérique et, pour dire le fond de notre pensée, tout simplement meilleure.
Les influences sont assez variées même si cela ne saute pas forcément aux oreilles à la première écoute. Les passages classiques et doom ('When Colors Fade Away') côtoient des riffs gras typiquement stoner ('All My Sorrow', 'Beside Still Water') et des plages ouvertement mélodiques ('Waiting For The Sun' avec ce chant quasi-parlé si caractéristique qui ne détonnerait pas sur un album de Nick Cave, voire d'Audioslave). Blackfinger arrive même à utiliser au mieux cet éternel incompris qu'est le bassiste ('Can I Get A Witness', 'Till We Meet Again') pour de folles parties de groovy doom ! C'est loin d'être une première en la matière mais ça surprend toujours un peu.
Bref, c'est une belle smala dont la seule constante est la déprime. Il se dégage effectivement toujours des compositions une atmosphère sombre, oppressante et même lorsque le chant d'Eric Wagner se fait plus léger ('Can I Get A Witness'), le résultat en est presque flippant et pour le moins déconcertant. Que dire enfin de la réinterprétation toute personnelle de la comptine 'Old King Cole' (qui devient ici 'My Old Soul') si ce n'est qu'elle a de quoi traumatiser plus d'une tête blonde. Si vous souhaitez, comme tout bon parent qui se respecte, rendre vos enfants dépressifs, n'hésitez surtout pas à leur chanter ce morceau régulièrement avant de les mettre au lit. Succès garanti !
S'il n'est pas aussi bon que le dernier (dans tous les sens du terme) Pagan Altar, ce Blackfinger de saison n'en reste pas moins chaudement recommandé à toute personne un tant soit peu intéressée par les démarches introspectives... ou par la chute des feuilles mortes.