"Some Girls" avait rassuré tout le monde, que cela soit d’un point de vue artistique ou au regard du nombre de ses ventes. Malgré les problèmes de Keith Richards avec les stupéfiants, problèmes dans lesquels il entraîne d’ailleurs un Ron Wood consentant, et une ambiance en pleine dégradation entre ce même Richards et Mick Jagger, les Rolling Stones semblent être à l’abri de mauvaises surprises. Pour son nouvel opus, la légende britannique reconduit la même équipe qui enregistre cependant les retours de Nicky Hopkins et Ian Stewart derrière les claviers et celui de Bobby Keys au saxophone. Les séances studios se font à nouveau à Paris, même si certaines prises seront réalisées à Nassau (Bahamas), ce qui semble conforter l’idée que les Glimmer Twins ne souhaitent pas prendre de risques.
Pourtant, ce qui était considéré comme des qualités sur l’album précédent va vite se retourner contre les Stones en passant pour du racolage. Basse disco, ambiances soul-funk et sons synthétiques : la recette vous rappelle ‘Miss You’ ? C’est normal car il est impossible de ne pas envisager que Jagger et Richards n’aient pas essayé de faire de ‘Dance (Pt.1)’ et ‘Emotional Rescue’ les successeurs du tube de 1978. Sauf que la formule est cette fois un peu éventée et que, si le premier nommé s’en sort grâce à un refrain accrocheur et un groove imparable, le second traîne en longueur et sous-entend que l’auditeur supporte la voix de fausset de Jagger. Dans sa tentative de ratisser large, le couple infernal n’oublie pas de dégainer un rock-reggae cher à Keith Richards avec un ‘Send It To Me’ ne manquant cependant pas d’humour. Quant à la ballade ‘Indian Girl’, elle ressemble à un nouveau réchauffé de ‘Angie’ malgré un charme évident.
Les ficelles sont cette fois un peu grosses et les Glimmer Twins ne négligent pas non plus le mouvement punk avec quelques pièces basiques et efficaces telles que ‘Summer Romance’ ou ‘Where The Boys Go’ et ses chœurs accrocheurs. Voilà une accumulation d’éléments qui vont donner l’occasion à certains de condamner cet album sans appel pour racolage sur la voie artistique et manque d’inspiration, le blues-rock de ‘Down In The Hole’ et la ballade mélancolique ‘All About You’ chantée par Keith Richards se révélant également sans grand relief. Pourtant, les Rolling Stones possèdent suffisamment de personnalité pour éviter le naufrage qui attendrait la plupart des formations se rendant coupable de tels méfaits. En premier lieu, il y a la performance de Mick Jagger qui varie le chant avec talent et réussi à rendre la plupart des titres un minimum accrocheur. L’art du refrain imparable et quelques titres plus gouleyants (‘Let Me Go’, ‘She’s So Cold’) viennent se joindre à cette démonstration pour faire de "Emotional Rescue’ un album qui reste globalement agréable.
S’il ne s’agit pas d’un ratage dans toutes les largeurs comme présenté par certains, cet opus se révèle néanmoins comme le plus faible de la discographie du groupe. A trop vouloir coller aux modes et en commençant à voir se distendre les liens qui unissaient leurs membres, les Stones perdent de leur éclat et de leur domination sans faille sur le monde du Rock. Les chiffres des ventes resteront flatteurs, mais il va falloir que les Britanniques se ressaisissent rapidement s’ils ne veulent pas faire fuir une partie de leurs fans.