Ce ne sont pas un milliard d’années de solitude qu’il nous a fallu supporter pour écouter un nouvel album des Néerlandais mais quatre longues années de silence aussi bien pour Chris depuis son sublime "Days Of Summer Gone" que pour Sky Architect. La nouvelle du quatrième album du jeune quintet toujours fidèle a donc été accueillie avec joie et une certaine curiosité d’entendre quelle direction sera prise après le massif "A Billion Years Of Solitude".
À entendre l’introduction percutante et jubilatoire du funky 'Wasteland', on comprend l'impatience de Sky Architect à revenir avec de nouvelles compositions. Cette très bonne entame pleine d’énergie donne le ton d'un disque plus immédiat et abordable que l’exigeant "A Billion Years Of Solitude" qui avait été composé dans un contexte d’urgence incompatible avec la totale implication de l’ensemble des musiciens. Pour "Nomad" c’est une écriture structurée et collégiale qui ressort, gardant l’essentiel et rejetant le superflu. Dans ce qui s’apparente à un aggiornamento, Sky Architect semble avoir mûri notamment dans sa façon de consolider la colonne vertébrale de ses compositions en adoptant des formats conventionnels de type chanson, en cela la jazzy et psychédélique 'Race To The Sun' est sans doute la plus directe des pièces de "Nomad".
Cela ne veut pas dire que Sky Architect se cantonne à une certaine prudence ou facilité dans "Nomad". Bien au contraire les Néerlandais exploitent toujours magistralement leur fougueuse créativité à l’occasion de moments instrumentaux d'une riche densité qui inondent tout l'album. Ils confirment aussi leur maestria à installer des ambiances contrastées, particulièrement marquantes dans les deux parties de ‘Into Singularity’, l’enchaînement du jovial ‘Nomad’ et du sombre ‘Dune’ à la mélodie déchirante, et les vapeurs envoûtantes de la seconde partie de la heavy et survoltée ‘Endless Roads’. Comme de coutume les Hollandais œuvrent à sublimer leur musicalité d'arrangements dynamiques et subtils comme les trompettes mélancoliques de 'Endless Roads', les cuivres et les chœurs de 'Into Singularity' ou les cordes et piano de 'Nomad'.
Que les amateurs se rassurent Sky Architect n’en oublie pas d’être lui-même dans sa capacité à bousculer l’auditeur jusqu’à lui faire perdre l'équilibre, tels les personnages de ses pochettes, dans de délicieux glissements harmoniques instables comme dans l'étourdissant 'Sandwalker', véritable quintessence du rock progressif vintage des Bataves, ou à transcender les morceaux via des ascensions émotionnelles à donner la chair de poule (l'intense final de 'Nomad', la seconde partie de 'Endless Roads' et la lente montée de 'Into Singularity Part II' portée par une trompette expressive). Si "Nomad" dévie la course à la complexité qu’a pu poursuivre le groupe jusqu’à maintenant, il s’inscrit tout de même dans une continuité en bénéficiant de la production habituelle, à la fois claire et brute, moderne et ravivant une certaine authenticité passée, qui permet le lien entre les différents opus et donne une cohérence à leur discographie.
"Nomad" est probablement le plus accessible des albums de Sky Architect mais il n'en demeure pas moins de très grande qualité et d'un intérêt qui s'inscrit dans la durée. Les habitués savent que chaque album de Sky Architect se découvre et s'apprécie à chaque écoute et "Nomad" ne déroge pas à cette règle. Pour les profanes, "Nomad" sera la porte d'entrée idéale pour découvrir la solide discographie d'un des groupes les plus importants de la nouvelle génération.