Entre son groupe (Gov’t Mule), ceux dont il est un membre important (The Allman Brothers Band) et ses nombreuses participations aux projets de ses différents amis, Warren Haynes semblait ne plus avoir de temps à consacrer à sa carrière en solo. Pourtant, 18 ans après son excellent premier opus ("Tales Of Ordinary Madness" – 1993), le guitariste-chanteur est de retour avec un "Man In Motion" qui le voit s’entourer de pointures telles que George Porter Jr. A la basse (Paul McCartney, Robert Palmer, Harry Connick Jr., etc…), Ivan Neville aux claviers (Neville Brothers, Keith Richards, The Rolling Stones, etc…), ou Raymond Webber à la batterie (Bobby Parker, Harry Connick Jr., etc…). Ajoutez à cela les interventions de Ron Holloway (Sonny Rollins, Dizzy Gillespie, Susan Tedeschi, etc…) au saxophone et vous pouvez vous faire une idée du niveau moyen des participants aux 10 titres qui composent cette galette.
Fidèle à la ligne de conduite de sa carrière, Warren Haynes ne se fixe aucune limite stylistique et n’hésite pas à s’aventurer là où bon lui semble, même si le blues reste son port d’attache. Dès l’ouverture, ‘Man In Motion’ et ses presque 8 minutes au compteur posent les bases de ce que sera cet album : une ode à un blues intégrant des éléments rock et soul et laissant le temps aux instruments pour offrir de délicieux soli. Le riff est envoûtant, le groove est imparable, l’orgue Hammond apporte sa chaleur renforcée par quelques cuivres, la guitare utilise un peu de wah-wah et de distorsion et Warren Haynes prouve qu’il est également un excellent chanteur capable de transmettre des émotions profondes. Sans être linéaire, cet opus utilise ces éléments sur la plupart des compositions qui lui donnent sa richesse. Parfois plus rock et rappelant à la fois Santana et Chris Rea (‘River’s Gonna Rise’), bénéficiant d’un refrain hyper accrocheur et des interventions d’un saxophone en fusion (‘Sick Of My Shadows’) ou intégrant des éléments soul lui conférant des allures d’inédits sortis des archives de la Motown (‘On A Real Lonely Night’ ou ‘Take A Bullet’), certains titres donnent la priorité à une énergie à la fois irrésistible et maîtrisée.
Quant aux pièces les plus calmes, elles viennent renforcer la sensation générale d’une classe sans limite mais privilégiant l’émotion à la démonstration technique, même si les soli sont à chaque fois lumineux. Un des meilleurs exemples en est la reprise du ‘Everyday Will Be Like A Holiday’ de William Bell qui étale ses accents sudistes sur un orgue moelleux. Très bluesy, ‘Your Wildest Dreams’ offre un océan de douceur avec un Hammond toujours très présent et le saxophone toujours rutilant de Ron Holloway. Quant à ‘Save Me’, il est une véritable démonstration de délicatesse appelant au recueillement avec un simple duo piano-chant profond et émouvant à peine rehaussé de quelques nappes de claviers. Le final se fait instrumental avec quelques touches de guitares émouvantes qui offrent un atterrissage tout en douceur et en sensibilité.
Cet opus se révèle au final comme un sans-faute, véritable démonstration de ce que les plus grands artistes peuvent offrir lorsqu’ils sont au sommet de leur art. Mettant une technique hors norme au service d’émotions profondes sans être démonstratrices et faisant preuve à la fois de finesse, de délicatesse et d’une classe folle, Warren Haynes s’impose définitivement comme un des principaux leaders d’un blues-rock à l’esprit ouvert mais gardant sa cohérence. Il est désormais possible de parler de légende vivante pour le guitariste qui prouve au passage qu’il est également un très grand chanteur.