Poursuivant son rythme d’une sortie discographique tous les trois ans, Lenny Kravitz nous revient avec son sixième et nouvel opus sobrement intitulé "Lenny". Après son prédécesseur nommé "5", il n’y a pas loin à penser que l’Américain ne souhaite pas se torturer les méninges lorsqu’il s’agit de trouver un titre à ses albums. Alors que "5" souffrait d’une qualité globale inégale probablement due à un trop grand nombre de titres, "Lenny" se présente avec seulement 12 titres pour lesquels Lenny Kravitz s’occupe de la production et de la quasi-totalité des instruments, s’entourant seulement du fidèle Craig Ross et ne laissant que quelques interventions de claviers à David Baron et Henry Hirsh. Ce faisant, il se place aux côtés d’artistes tels que Michael Jackson, Prince ou George Michael, eux aussi habitués à ne presque rien déléguer dans l’élaboration de leurs albums.
Après une compilation sortie en 2000 ("Greatest Hits"), "Lenny" pourrait apparaître comme le début d’une nouvelle ère pour Lenny Kravitz, même si la recette utilisée ne semble pas subir de profondes modifications. Le rock de l’Américain est toujours mâtiné de soul, de pop, de funk et de multiples influences, ce qui n’a rien de surprenant, même si "5" avait clairement marqué le pas, aussi bien au niveau des critiques artistiques que des chiffres des ventes. Pour remédier à cela, le collectionneur de Grammy Awards a eu la bonne idée de compacter son propos, favorisant la qualité des compositions à leur quantité. Et si "Lenny" ne contient pas de tube interplanétaire à la ‘Are You Gonna Go My Way’ ou ‘It Ain’t Over ‘til It’s Over’, il ne souffre d’aucun titre dispensable et maintient un niveau d’exigence qui lui permet de garder l’attention et l’enthousiasme de l’auditeur en constante alerte.
Entre les rock groovy simples mais terriblement efficaces (‘Battlefield Of Love’, ‘Dig In’), les ballades mid-tempo classiques mais accrocheuses (‘Stillness Of Heart’), les mid-tempi obsédants aux accents gospels (‘God Save Us All’) ou les rocks hyper énergiques (‘Bank Robber Man’ narrant un incident subi par le chanteur qui s’était vu arrêté par la police de Miami qui l’avait confondu avec un criminel), le maître des lieux glisse cependant quelques légères originalités. C’est ainsi que ‘Yesterday Is Gone (My Dear Kay)’ ou ‘A Million Miles Away’ utilisent des harmonies que n’aurait pas renié John Lennon en son temps. De leur côté, ‘Believe In Me’ et ‘You Were In My Heart’ marient électro et ambiances atmosphériques alors que ‘If I Could Fall In Love’ se fait légèrement psychédélique tout en s’appuyant sur une basse prégnante et un refrain obsédant.
Sans temps mort ni faute de goût, "Lenny" relance la carrière de son célèbre auteur. En concentrant son propos et en glissant juste ce qu’il faut d’évolutions à sa formule imparable, Lenny Kravitz entame avec talent et sérénité ce qui peut être considéré comme la seconde partie de sa carrière. Après la déception provoquée par "5", voilà qui est à la fois rassurant et enthousiasmant.