Avec "War Of Kings" (2015), Europe avait goulûment plongé dans les années 70, au grand dam des fans de l'époque la plus FM du quintet scandinave. Deux ans plus tard, le succès ayant été au rendez-vous, les Suédois sont de retour avec une nouvelle offrande qui semble vouloir suivre le chemin défriché par son prédécesseur. A nouveau produit par Dave Cobb qui semble devenir le sixième membre du groupe puisqu'il participe également à la composition de plusieurs titres, "Walk The Earth" a été enregistré dans les mythiques studios de l'Abbey Road. Si l'on rajoute à cela une pochette qui ressemble à un hommage à peine déguisé au Pink Floyd des années 70, voilà qui ne laisse pas augurer une nouvelle orientation vers quelques expérimentations contemporaines.
Et autant le dire sans faux suspens, les promesses sont tenues et le titre éponyme ouvre les hostilités sans ambages avec de faux airs du 'Kashmir' de Led Zeppelin. Mid-tempo sombre et heavy doté d'un refrain poignant et de chœurs puissants, il reprend les choses où "War Of Kings" les avait laissées deux ans plus tôt. Le Purpleien 'The Siege' enfonce le clou avec sa basse martelée et ses sonorités orientales, la paire Norum / Michaeli faisant de plus en plus penser au légendaire binôme Blackmore / Lord. Mais là où le précédent opus faisait preuve d'une forte cohérence, "Walk The Earth" n'hésite pas à varier les plaisirs sans pour autant perdre son fil conducteur qui se révèle finalement double. Car si les années 70 et les hommages rendus aux légendes de cette époque sont un premier fil rouge, Europe se lance également dans une forme de concept en consacrant plusieurs titres au thème de la démocratie.
Dans la catégorie des références, Deep Purple est sans aucun doute, et une nouvelle fois, la formation à laquelle les clins d'œil sont les plus appuyés. Parmi ceux-ci, nous retiendrons le rapide 'GTO' aux accents de 'Burn' et sur lequel Joey Tempest n'hésite pas à monter vers quelques aigus comme pouvait le faire Ian Gillan à sa grande époque, le tout renforcé par la frappe tonique et puissante de Ian Haughland et les claviers toujours Lordiens de Mic Michaeli. Plus surprenant, bien que partiellement annoncé par la pochette, l'hommage à Pink Floyd se fait au travers de la ballade 'Pictures' avec son piano clair, son solo (encore) lumineux et sa montée en intensité toute en maîtrise. A noter que les paroles sont la suite de celles de 'The Final Countdown', ce qui renforce l'approche spatiale de ce titre.
Quant au thème de la démocratie, il est décliné essentiellement sous la forme de l'étude de sa naissance, que cela soit en France ('The Siege') ou en Angleterre (le cinglant 'Kingdom United'), mais aussi en constatant ses évolutions plus récentes sur un 'Election Day' traitant des dernières élections américaines et britanniques.
Perdant en cohérence ce qu'il gagne en variété, cet opus est d'une telle richesse qu'il est impossible de citer chaque titre, même s'il serait dommage de ne pas parler du heavy psychédélique et inquiétant d'un 'Wolves' pachydermique, du non moins heavy 'Haze' avec son surprenant solo de batterie, ou du final épique de 'Turn To Dust' rappelant qu'il faut profiter de la vie puisque nous sommes tous appelés à retourner à la poussière. Continuant à creuser le sillon ouvert par "War Of Kings", ce "Walk The Earth" réussit cependant à s'en démarquer et à offrir son lot de surprises, ce qui n'est pas un mince exploit.