"Dark Side Of The Moon" est l'un des albums mythiques de Pink Floyd et l'un des plus couverts par des reprises au cours des 40 dernières années dans l'histoire du rock. S'attaquer à un tel monument de l'âge d'or du prog est un exercice à double tranchant : soit la reprise est fidèle au modèle et l'originalité sera sacrifiée sur l'autel du feeling, comme a pu le faire Dream Theater en 2006, soit elle est réinterprétée et là, ça passe ou ça casse.
C'est le risque qu'a pris Kyle Shutt, guitariste de The Sword, en choisissant l'option la plus casse-gueule de la revisite totale à la sauce stoner / doom, comme le suggère le nom choisi pour l'exercice et avec un line-up issu de ces mouvances (The Sword, Brown Sabbath, Hard Proof, Croy & The Boys, etc …).
Si les structures des morceaux sont conservées, les arrangements sont eux malmenés et, comme il fallait s'y attendre, c'est un Dark Side très métallisé qui nous est proposé. Ainsi les titres les plus rythmés comme 'Money' ou 'Time' sont constellés de riffs saccadés dans une pure veine stoner dénaturant totalement l'essence même des morceaux en n'apportant rien de transcendant puisque qu'aucune ré-écriture n'est vraiment proposée. Seul 'Any Color You Like' offre un réel intérêt de ce point de vue, encore faut-il avoir les oreilles pas trop sensibles aux extrêmes saturations d'un solo vite fatigant.
Le sort réservé aux pièces les plus abstraites comme 'Speak To Me', l'introduction de 'Time' ou 'On The Run' est quant à lui émaillé de guitares saturées, d'effets électros grossiers et d'un manque de recul sur le résultat qui est finalement cacophonique. Ce n'est guère mieux sur 'Us And Them' censé amener une touche de finesse et de douceur, celle-ci devenant quelconque et de nouveau maltraitée par une guitare accordée avec les pieds.
Seule éclaircie dans cette noirceur délibérée, 'The Great Gig In The Sky', certes privée de son ascenseur émotionnel sur le chœur, mais faisant place à un saxo plutôt bien fichu. Enfin, le diptyque final 'Brain Damage' - 'Eclipse' souffre lui aussi d'un manque de sensations à l'écoute, même si le premier reçoit un traitement plus original à la 'Sweet Dreams (Are Made Of This)' de Manson. Mais n'est pas Marilyn qui veut, puisque la conclusion grandiose accouche finalement d'un aboutissement quelconque mais salvateur : ouf, c'est enfin terminé !
Patatras. Ce qui devait arriver arriva, le choix n'est pas payant et la reprise volontairement salie n'apporte aucun relief à l'original. Seuls les inconditionnels de stoner ou de doom apprécieront certainement l'effort et l'ambiance cradingue et saturée. Pour les autres, et en particulier les amoureux du Floyd, il y a fort à parier qu'ils n'iront même pas au bout de la première écoute. Quant aux plus jeunes ou aux Robinson qui ne connaitraient pas l'original, cette version n'est clairement pas le meilleur moyen d'appréhender un tel chef-d'œuvre, c'est plutôt le pire.