De loin, simple album de reprises, "The Salentino Cuts" n'offre pas un programme particulièrement appétant. Jugez plutôt : voir UFO se frotter à un exercice souvent synonyme d'imagination en berne, ça sent les vétérans en panne de jus qui, sous prétexte de vouloir se faire plaisir en reprenant des standards de groupes qui leur tiennent à cœur, accouchent à moindres frais d'un objet bâclé, pour satisfaire en fait quelque devoir contractuel envers le label Cleopatra Records.
De près pourtant, la réalité se veut plus nuancée. Alors certes, à son écoute, les Anglais ne donnent pas l'impression d'avoir forcé leur talent, se contentant avec l'assurance tranquille de vieux briscards qu'ils sont désormais d'interpréter à la cool des classiques qui plus est connus de tous, ce qui minimise encore un peu plus la prise de risque mais rend confortable la défloration de "The Salentino Cuts" au contenu éprouvé.
Ainsi, il paraît bien difficile de résister à une amorce incarnée par l'irrésistible doublette 'Heartful Of Soul' / 'Break On Throught', hymnes respectivement composés, est-il vraiment utile de le préciser, par les Yardbirds et les Doors, réceptacle pour le premier d'une puissante performance de Phil Mogg tandis que le second baigne dans les effluves moelleuses dégueulées par les claviers de Paul Raymond.
Alors que certains préfèrent s'accaparer les chansons qu'ils reprennent pour les fondre dans leur style, UFO privilégie la fidélité à l'émancipation, ne cherchant pas transformer le matériau d'origine auquel il confère toutefois une patine souvent très bluesy, tout en insistant plus encore sur les traits sudistes du 'Just Got Paid' de ZZ Top et du 'Paper In Fire' de John Mellemcamp. Ce traitement se révèle des plus évidents sur le 'Pusher' de Steppenwolf ou le hit 'Ain't No Sunshine' qui voit Vinnie Moore se glisser dans la peau d'un Gary Moore dont il retrouve les accents émotionnels. D'ailleurs si l'interprétation de l'ensemble des musiciens est à louer, le guitariste se taille la part du lion, enflammant ces compositions telles que le funky 'Too Rolling Stoned' de Robin Thrower où il abuse de la wah-wah.
Aux côtés de l'anachronique 'River Of Deceit' de Mad Season (c'est le seul titre issu des dernières décennies), qui tombe comme un cheveu sur la soupe, il convient de mentionner les relectures graisseuses du 'Rock Candy' de Montrose' et du 'Mississippi Queen' de Mountain, tandis que celle de 'Honey Bee' tombe à point pour louer la mémoire du regretté Tom Petty qui nous a quittés le 2 octobre dernier.
Si nombreux sont ceux qui attendaient autre chose de la part du dinosaure que "The Salentino Cuts", celui-ci témoigne qu'un bon album de reprises vaut toujours mieux qu'un tiède disque original. En définitive, il s'agit d'une agréable surprise de la part d'un groupe qui de toute façon n'a plus rien à prouver.