La Norvège dispose d'une école progressive qui n’a de cesse de progresser au fil du temps avec en première ligne Airbag et Bjorn Riis, Oak et Gazpacho pour ne citer qu'eux. Longtemps abonnés au metal nordique, nos amis norvégiens proposent depuis des années un rock progressif teinté d'une forte mélancolie, sombre, souvent onirique et très respectueux des glorieux aînés. Ainsi Gentle Knife, issu de cette école, vient nous titiller nos oreilles avec "Clock Unwound", son second album.
Comme tout bon album de prog qui se respecte, c'est un 'Prelude' qui accueille l'auditeur sur des notes de piano plutôt graves qui seront rejointes par des cuivres de toute beauté permettant d'accentuer l'ambiance cinématrographique de cette introduction qui s'enchaîne sans rupture avec le titre éponyme de l'album, 'Clock Unwound'. D'une durée de quinze minutes, le morceau obéit à tous les codes du progressif classique, étirant le thème jusqu'à plus soif avec les éternels duels guitares - synthétiseurs, qui sont d'ailleurs très présents tout au long de l'album, et multipliant les breaks alternant mélodies accessibles puis dissonantes, le plus souvent jazzy. Les ruptures sont donc fécondes et souvent brusques, martyrisant quelque peu les transitions. L'auditeur retrouve aussi quelques passages obligés tels que l'intervention de la flûte qui apporte un peu de légèreté, ou le sax virevoltant qui accentue le côté discordant.
Après ce déluge de notes, 'Fade Away' vient tempérer le jeu. Le titre bénéficie d'une belle ouverture grâce à une mélopée très mélodique introduisant un duo masculin-féminin. D'apparence linéaire, le titre revient très vite vers l'essence même du style avec un pont instrumental partant un peu dans tous les sens : un peu funky, un peu génésien avec une jolie flûte et des claviers rappelant les travaux de Tony Banks, un peu free jazz pour ensuite revenir sur le thème d'ouverture. La présence des onze membres du groupe se fait sentir avec presque un excès de richesse multipliant des styles et les interventions, tels que la pop rock de 'Smother', quitte à perdre l'auditeur un peu en route, les cuivres apportant indéniablement un grand intérêt au titre.
Les Norvégiens maîtrisent donc leur sujet et l'auditeur pourra rester pantois devant le travail accompli sur ce "Clock Unwound", bien qu'un peu trop classique dans sa construction avec des figures presque imposées. Très instrumental, l'apport des cuivres est à souligner et s'avère très plaisant avec des passages presque festifs et plus jazz fusion qui ajoutent de la matière aux compositions déjà très (trop) denses. En outre, les lignes vocales sont très intéressantes, oscillant entre une interprétation habitée mais sans surjouer et plus classique. L'album nécessitera pas mal d'écoutes avant de s'ancrer en vous et de dévoiler toutes ses richesses. Un peu trop académique, il réjouira l'amateur d'un prog historique laissant sur le bord du chemin ceux qui cherchent un peu d'aventure.