"Hyperstitious" est le troisième album des Suisses de This Misery Garden qui nous avaient enchantés avec leurs deux premières productions. Si le style restait à affirmer, le metal progressif brut des Helvètes avait interpellé les amateurs du genre. Ce troisième opus sonnera-t-il l'avènement du combo genevois ou son glas ?
L'introductif instrumental 'December Lullaby' plante le décor d'une douce mélodie à laquelle fait suite le riff ravageur de 'Incognito'. L'ensemble très énergique et heavy est ponctué d'un chant varié entre puissance et mélodie enivrante. La section rythmique bastonne tant qu'elle peut et l'effet est redoutable. 'Emocide' enchaîne dans la même veine et le chant rappelle furieusement nos frenchies chéris de Klone alors que les lignes vocales les plus rugueuses évoquent le Ghost Brigade des débuts, sans le chant extrême.
Moins enlevé rythmiquement, 'Lacrymob', 'Killing My Name' et 'Infantia' montrent que This Misery Garden affine son style et prend le temps de développer un metal qui commence à ressembler à... This Misery Garden, enfin ! Pour le reste, le rythme est très soutenu sur la plupart des compositions qui bénéficient toutes d'arrangements subtils avec un mixage à l'équilibre parfait entre tous les instruments pour un plaisir d'écoute permanent. La voix de Steve est désormais à pleine maturité avec un grain chaud unique qui contribue à l'identité du groupe. L'équilibre des guitares lors des riffs et des soli est impressionnant malgré la brutalité relative de l'ensemble, le groove est permanent et l'émotion au rendez-vous.
De nombreuses écoutes ne seront pas de trop pour apprécier ce "Hyperstitious" à sa juste valeur car sa densité peut paraître effrayante de prime abord. Treize titres pour plus d'une heure de musique à un niveau de décibels presque constant pourrait venir à bout des oreilles les plus aguerries si une production, elle aussi, très équilibrée ne rendait l'ensemble plus digeste. Il faudra également enchaîner les écoutes pour différencier avec précision des titres qui ont tendance à se ressembler parfois, la faute à une construction quelque peu stéréotypée, particulièrement sur la deuxième moitié de l'album. Heureusement, le chant très expressif et les quelques parties instrumentales donnent un regain d'intérêt régulier. Mention spéciale au closer 'Extremity' sur lequel Steve est accompagné d'une voix féminine (non créditée) révélant des sensations jouissives lors d'un échange vocal construit comme une lente montée en puissance poignante d'émotion qui conclut l'exercice de la plus belle des façons.
Avec enfin un peu de stabilité, This Misery Garden nous montre ce vers quoi il entend tendre à l'avenir : un metal dense, d'influence nord-européenne, entre alternatif et progressif. Ceux qui avaient apprécié les précédents albums des Suisses en auront pour leur argent, tout comme les amateurs de Klone, Katatonia ou Ghost Brigade. S'il n'est pas encore l'album de la maturité, "Hyperstitious" s'en rapproche et les compositions gagnent en cohérence. This Misery Garden nous délivre une production soignée que l'on est impatient de découvrir en live, un lieu d'expression très certainement favorable à une musique si énergique et habitée. Vivement la suite !