Depuis ses débuts il y a presque une décade, H.E.A.T. avait pris pour habitude de proposer un nouvel opus studio tous les deux ans. La sortie du "Live In London" en 2015 est venue décaler ce rythme, d'autant que le quintet a vu son ancien guitariste, Dave Dalone, reprendre du service, alors qu'Eric Rivers a pris du repos, laissant finalement le groupe au format de quintet. Avec "Address The Nation" (2012) et "Tearing Down The Walls" (2014), les Suédois avaient imposé leur style et leur nouveau vocaliste, passant ainsi en division supérieure. Avec le nouveau venu intitulé "Into The Great Unknown", les Scandinaves semblent décidés à gravir un nouveau palier en n'hésitant pas à sortir de leur zone de confort.
Car si 'Bastard Of Society' ouvre les hostilités sur le terreau d'un hard mélodique énergique et cinglant qui avait vu s'épanouir les deux précédents opus, la suite risque d'en surprendre plus d'un. A la manière d'un Bon Jovi ou d'un Europe qui ont su éviter de se scléroser en prenant le risque de perdre une partie de leurs premiers fans, H.E.A.T. n'hésite pas à s'ouvrir à de nouvelles influences et à intégrer de nouveaux éléments dans sa musique. Premier single sorti en avant-première, 'Time On Our Side' avait déjà étonné avec sa pop-rock-électro à la Muse et aux sonorités dignes de The Rasmus. L'utilisation de synthétiseurs omniprésents se fait également prégnante sur un 'Redefined' mid-tempo naviguant sur des eaux ayant déjà porté Def Leppard ou Reckless Love. Sous la forme de ritournelles obsédantes, les claviers marquent également leur territoire sur un 'Blind Leads The Blind' pourtant bien estampillé du sceau du groupe, ou sur un 'Do You Want It' fun et accrocheur voyant Erik Gronwall passer en falsetto sur le pré-refrain.
Au même titre que son compère Jona Tee aux claviers, le chanteur est l'autre grand bénéficiaire des nouvelles évolutions qui lui permettent de montrer l'étendue de son talent. Sa prestation se révèle sans faille, et même carrément enthousiasmante à plusieurs reprises. L'intensité de son interprétation sur la power-ballade 'Eye Of The Storm' est d'une puissance évocatrice impressionnante, alors que l'ambiance de ce titre vient flirter avec ce que Dare peut parfois offrir. Sur 'We Rule', dans un ensemble théâtral à la structure épique évoquant Queen, le vocaliste offre une prestation digne de Freddy Mercury, alors que Dave Dalone vient également taquiner Brian May, le tout sans jamais sombrer dans la parodie ni même la simple copie. Moins aventureux mais tout aussi ambitieux, 'Best Of The Broken' et le titre éponyme créent des ambiances sombres, dignes d'un règlement de comptes pour le premier, alors que le second s'étend sur plus de 7 minutes pour emmener l'auditeur de l'ombre vers une lumière encore inconnue.
Avec ce nouvel opus, les Suédois n'hésitent pas à prendre des risques pour se renouveler tout en continuant à franchir de nouveaux paliers vers les sommets du genre. Cette ouverture de leur identité à de nouveaux éléments pourrait en déstabiliser certains, mais d'autres formations désormais incontournables n'ont pas hésité à franchir ce pas afin d'éviter de se scléroser, ce qui est une manière plus que respectable d'affirmer la personnalité d'une formation sûre de ses forces. Album de la maturité, "Into the Great Unknown" l'est sûrement. La suite nous confirmera si il s'agit également d'une œuvre charnière dans la carrière du groupe. Nécessitant plusieurs écoutes pour en découvrir toutes les richesses, cet opus a toutes les chances de satisfaire les amateurs du genre, si tant est qu'ils possèdent un caractère un minimum aventureux.