J'étais persuadé que la palme de la musique symphonico-violente était détenue par Fleshgod Apocalypse. Alors que je croyais avoir découvert l'ultime copulation entre genres antinomiques, je suis aujourd'hui projeté de ma chaise avec violence sous l'afflux d'ondes brumeuses enfantées par Zornheym, expulsé sur mon séant par une musique issue du métissage des coups de boutoir d'un black purulent et des circonvolutions angéliques de la musique classique raffinée.
L'équipe est constituée de Zorn qui a fait ses armes avec Dark Funeral, de Bendler qui a collaboré avec Scar Symmetry et de Angst qui sévissait chez Diabolical. Tout ce beau monde a donc côtoyé la face la plus teigneuse et la plus sombre de la musique, avec toujours un appétit vorace pour des mises en scène symphoniques noires et des habits musicaux de lumière.
La guitare est assassine, la basse ronflante éclate les os, la batterie animale délivre des uppercuts saignants, la voix expulse des vocalises grumeleuses. Même si les riffs rapides sont incessants, la guitare se déshabille de sa pesanteur pour s'envoler vers des cieux mystiques, alors que chacune des phrases solitaires délivre des mélodies intimes quasiment mystiques.
Le chemin de croix débute par une belle pièce de bravoure ('The Opposed') sur laquelle le groupe veut déployer tous ses artifices vibratoires. Alors que 'Subjugation of the Cellist', après des mesures âpres sur des chemins de traverse pavés de verre pilé, délivre un instant ravissant sur lequel le temps suspend son vol et duquel la beauté immanente émane et transcende les sens avec une guitare dénudée qui dévoile ses rondeurs sensuelles et des chœurs grandioses dans l'esprit Elend qui poussent presque à l'adoration mystique.
Mais cette pause charnelle est de courte durée, car le groupe dévoué au seigneur de ténèbres entonne un blast grondant et pachydermique ('A Silent God'). Puis, en surimpression, les chœurs épouvantés construisent une angoisse prégnante et éprouvante. A la vitesse d'un cheval au galop, la formation tricote une litanie monstrueuse, une messe sombre pour rebuts de l'humanité.
Ensuite, après quelques minutes d'une mise en jambe stylistique, la formation met un pied dans plus de complexité quand les durées s'étirent, alors que paradoxalement le temps ne semble durer qu'une poignée de secondes. 'A Silent God' multiple donc les ambiances, les vocalises schizophrènes entre le clair et l'obscur. Enfin, 'Trifecta of Horrors' ose toutes les variations en passant par des ornementations classiques, des parties purement metal ou des chevauchées sombres qui feraient pâlir une cohorte d'anges déchus.
"Where Hatred Dwells And Dakness Reig"' est une pépite sombre et caverneuse qui multiplie les oraisons au pandémonium de démons. Entre blasphème black, terreur death, accélération speed, chevauchées metal presque progressif et passages symphoniques, la formation livre un album bluffant, une épreuve au noir, un tout cohérent qui frise la perfection. Sur cette galette où les mélodies sont omniprésentes, les envolées lyriques jouissives, Zornheym réussit le coup de maître d'offrir un diamant sombre d'une beauté lumineuse aveuglante qui transcende les genres.