Sans faire de vagues, cela fait plus de 40 ans que Sonny Landreth promène son look d’instituteur et son porter de guitare si particulier à travers le monde. Pourtant, bien qu’il ait l’habitude de jouer avec les plus grands (Eric Clapton, John Hiatt, Gov’t Mule, John Mayall, Mark Knopfler, …) le Louisianais est d’une telle discrétion qu’il passerait presque inaperçu. Sa carrière solo vaut pourtant la peine que l’on s’y intéresse car le prince de la slide a déjà offert une quinzaine d’albums de qualité sur lesquels il n’hésite parfois pas à s’éloigner des rivages du blues de ses origines. En 2012, avec "Elemental Journey", il offrait une œuvre entièrement instrumentale à l’ambiance mystique. L’année 2015 le voit cependant revenir vers le blues traditionnel avec un "Bound By The Blues" bien nommé et qui devrait marquer les esprits.
En format trio avec son fidèle David Ranson à la basse et le batteur Brian Brignac, le natif de Canton (Mississippi) offre une véritable démonstration d’un blues aux accents cajun fleurant bon sa Louisiane d’adoption. Le guitariste-chanteur alterne les reprises de standards du genre et des compositions maison. Ce mariage est assez courant dans les productions blues et le plus difficile dans cet exercice est de réussir à s’approprier les covers sans trop les dénaturer, mais également de proposer des titres personnels qui soutiennent la comparaison. Mais s’il est discret, Sonny Landreth n’est pas né de la dernière pluie pour autant et il fait ici une démonstration de son art et de sa maîtrise.
Le ‘Walkin’ Blues’ de Robert Johnson ouvre ainsi les hostilités de manière énergique et lumineuse. Aux nombreuses interventions de slide habituelles, s’ajoutent une rythmique feutrée et la voix légèrement voilée du maître des lieux qui semble enfin assumer cet organe à la sonorité rare dans le milieu. Ces trois éléments vont être les fils conducteurs de cet opus en lui donnant toute sa cohérence et son attachante identité. Aux côtés d’un torride ‘It Hurts Me Too’ (Elmore James) et d’un ‘Cherry Ball Blues’ (Skip James) aux interventions de slide brûlantes, les compositions laissent apparaître quelques éléments qui en font l’originalité et la qualité. Le titre éponyme possède un groove à faire attraper un tour de rein aux sauriens du Bayou, ‘The High Side’ se fait désinvolte avec des accents country-folk, et l’envoûtant ‘Where They Will’ mérite de s’écouter sur les highways ensoleillées les cheveux aux vents. Pour ‘Firebird Blues’, Sonny Landreth sort une bonne vieille Gibson Firebird pour offrir un hommage instrumental à Johnny Winter et ‘Simcoe Street’ vient clôturer ce voyage en se faisant sautillant et accrocheur.
Avec "Bound By The Blues", le résident de Breaux Bridge (Louisiane) propose un très grand album de blues comme il n’en avait plus sorti depuis "The Road We’re On" (2003). Il prouve également que ce style musical est très loin de l’image sclérosée que certains se plaisent à lui accoler. Il y a plusieurs manières de faire du blues et il est toujours possible d’insérer une belle dose de personnalité à cette musique. C’est ce que font les plus grands comme Sonny Landreth qui vient rappeler que sous ses airs effacés, il est bien le patron du blues louisianais.