Focus est un groupe à l’histoire tumultueuse. Fondé aux Pays-Bas en 1969 par le claviériste Thijs Van Leer, il a subi de nombreux remaniements de personnel (pas moins de 23 membres au long des diverses reformations !). Après une période féconde concentrée sur les années 1970-78, le groupe s’éclipse et réapparaît en pointillés entre 1979 et 2002 pour ensuite revenir sur le devant de la scène : trois albums studio paraissent entre 2006 et 2014, puis une compilation extraite des archives personnelles du groupe en 2016. La cuvée 2017 ("The Focus Family Album") présente une série de titres inédits ou présentés sous des versions modifiées, ainsi que des solos développés par les quatre membres (deux chacun, pas de jaloux).
Ce genre de parution venant d’un groupe vieillissant sent, ne le cachons pas, la récupération de fonds de tiroir à plein nez. Focus garde une image de groupe progressif des années 70, développant une certaine fantaisie et s’appuyant sur une assise principalement instrumentale à tendance jazz psychédélique. Le pari de ce "Family Album" est a priori de présenter ces différentes facettes. Et là, la déception est grande à tous les niveaux.
Ceux qui espéraient entendre du prog 70’s inventif et flamboyant en seront pour leurs frais : le ton général est bien plus dans des jams à base jazz, plus dans un esprit canterbury que rock (à l’exception de 'The Fifth Man' et 'Raga Reverence 5'), faisant une large place aux improvisations décousues et dans lesquelles les couleurs instrumentales restent limitées à l’orgue Hammond et à la flûte, qui arrive à apporter (rarement) un zeste d’originalité éphémère à certaines parties instrumentales ('Mosh Blues'). Nous sommes donc très éloignés des préoccupations progressives et le style global apparaît aujourd’hui très daté.
Ceux qui auraient aimé entendre du jazz ne trouveront guère d’originalité : le ton est globalement très conventionnel ('Clair Obcur', 'Five Fourth'), mais il faut reconnaître une maîtrise technique très précise.
Ceux qui voulaient retrouver la fantaisie qui a fait l’originalité de Focus ne pourront qu’être déçus : le sifflotis de 'Birds Come Fly Over' ou le scat bizarre de 'Mosh Blues' versent plus dans le ridicule que dans l’esthétique. D’une façon générale les vocaux (plutôt rares) sont très sages et plutôt quelconques à l’exception d’un 'Fine Without You' bien placé.
Ceux qui voudraient découvrir le groupe néerlandais se tourneront plutôt vers les albums des années 70. Ici très peu de titres apparaissent réellement construits, seuls 'Santa Teresa' (avec son chant en espagnol !) et 'Le Tango' montrent une certaine rigueur, les autres pièces se réfugiant dans des divagations parfois stériles ('The 5th Man') qui n’incitent guère à l’indulgence donc à la réécoute.
Quant à ceux qui espèreraient une démonstration de musicalité dans les longues parties instrumentales ou les solos, ils auront du mal à échapper à la déception. C’est propre, mais bien désincarné (notamment les solos de batterie, dont on se demande comment une telle initiative se retrouve dans une production studio : en live, dans les conditions du direct et avec l’émotion d’un concert, ça passe, mais sur disque, ça reste pour moi un mystère…).
Echec donc à tous les étages pour ce "Family Album" qui reste une production à destination des die-hard fans, à condition de supporter l’absence de modernité du projet. A ranger dans un tiroir avec de la naphtaline.