Grace Meer est un projet très ambitieux dont un aperçu avait été dévoilé au cours de ce premier semestre par le biais d'un clip hallucinant, 'Your King'. La vidéo d'une qualité assez rare en France, influencée par les travaux cinématographiques de Zack Snyder réalisateur notamment du film "300", permettait d'illustrer le thème philosophique du mythe de Platon sur l'androgynie. Ce premier extrait de l'EP éponyme qui sort en ce mois de septembre posait les jalons de l'univers singulier de la chanteuse, à la fois mystérieux, sensé et mystique. La démarche artistique apportée au projet confine au perfectionnisme avec ce soin particulier sur la forme avec, outre cette vidéo, une pochette qui sort de l'ordinaire, pensée pour offrir le CD à l'auditeur quand elle s'ouvre. Alors, si la forme est belle, qu'en est-il du fond ?
Parfois, en mettre plein les yeux ainsi peut créer une diversion pour cacher un défaut de consistance. Tel n'est pas le cas ici. Outre l'intelligence dans l'écriture des textes, Grace Meer charme également l'auditeur de sa très jolie voix ample qui enveloppe une belle variété musicale. Celui-ci est happé par le style new wave de 'Your King' mêlant les influences de Depeche Mode saupoudrées d'une touche de Björk à une ambiance quelque peu déstructurée. 'Vortex' développe un côté symphonique épique sonnant un peu eighties avec ses synthés qui accompagnent le pré-refrain rendant le chorus encore plus puissant. Chaque titre met en avant des percussions quasi guerrières et une orchestration harmonique qui forment l'ADN de l'EP. "Your King" se termine avec deux titres plus doux, comme si Grace Meer souhaitait dévoiler son côté le plus féminin ('Heal' et 'Farewell'), alliance de douceur et de force.
Tout au long de cet EP, l'artiste module son chant, d'abord grave et percutant puis séduisant et empreint de lyrisme, parfois légèrement surjoué notamment dans 'Heal'. L'album comporte ainsi deux phases, une première presque masculine, forte, dense et une autre plus subtile sans pour autant être fragile, une manière de renforcer le concept de dualité développé par la chanteuse.
Les titres possèdent une force cinématographique tout en ne dépassant pas les 4 minutes, rendant ainsi l'écoute frustrante par une durée d'ensemble bien trop courte qui laisse un léger goût amer. Il manque un ou deux autres titres supplémentaires ou bien quelques développements comme par exemple un duel de guitare (assez en retrait sur l'album) et claviers sur 'Vortex' qui aurait permis de renforcer l'impression combative du titre.
Peut-être s'agit-il d'un parti pris pour ne pas trop en montrer et cultiver un côté mystérieux et rare ? Espérons que Grace Meer, qui a le mérite d'avoir conçu puis porté ce projet à bout de bras, arrive à trouver cet équilibre ténu entre exposition et parcimonie pour provoquer plus de curiosité que d'indifférence. La qualité d'ensemble, corollaire de sa démarche sincère, tend vers la première option.