La Suède est un vivier en matière de groupes élevés aux grains du hard rock 70's qui semble intarissable. En effet, on ne compte plus les combos dont les pavillons sont restés bloqués dans cette décade prodigieuse, qui viennent cogner régulièrement à notre porte, avec toujours une classe folle et une habileté digne de vieux mercenaires.
Tel est le cas de Grand Delusion dont "Supreme Machine" n'est que le second rot après un premier long, "The Last Ray Of The Dying Sun" passé cependant (trop) inaperçu. Car, même si les frissons sont (presque) toujours au rendez-vous, la concurrence est rude chez ces héritiers de Sabbath et autres Purple. Cette offrande faite au dieu du riff en béton armé permettra-t-elle à ce quatuor venu de nulle part de s'extraire du tout-venant, aussi jouissif soit-il ?
Celui-ci peut au moins compter sur deux atouts de poids qui pointent entre ses jambes et se complètent. Le premier est ce socle minéral qui l'arrime à la chapelle doom, sur lequel se dressent des compositions aux lignes pesantes. Le second est incarné par le chant haut perché du guitariste Björn Wahlberg dont le timbre plus heavy et sombre que celui de son prédécesseur Joakim Gustafsson, participe de cette puissance rocailleuse accrue, grâce à laquelle le groupe n'est d'ailleurs pas sans évoquer son compatriote Grand Magus ('Imperator'), les influences NWOHBM en moins, même si elles affleurent par moments à la surface, et le terreau progressif en plus, injecté par des nappes de claviers brumeuses typiques du genre ('Ghost Of The Widow McCain').
Avec ces guitares tour à tour burinées ou moelleuses voire parfois aériennes, cette voix un peu rude forme l'arc-boutant de cet opus qui sillonne un territoire montagneux dont les chemins escarpés s'enfoncent entre doom, stoner et heavy metal. Dans un ensemble toutefois un brin trop court pour ne pas laisser sur sa faim l'amateur qui en aurait bien pris une tranche supplémentaire, se serrent six titres au format trapu dont les plus directs, à l'image du rugueux 'Mangrove Blues' ou de 'Just Revolution', ouvrent la marche de façon nerveuse avant que le menu ne s'enfonce dans des méandres marécageux, guidé par des guitares d'airain. Gonflés de mélodies aussi épaisses qu'envoûtantes, 'Trail Of The Seven Scorpions' ou ce 'Infinite', doomy et pourtant nimbé d'un brouillard psyché, poussent "Supreme Machine" dans un magma plombé autant qu'ils le propulsent vers des sommets.
Pour conclure, on ne peut que reconnaître que Grand Delusion a incontestablement franchi un palier avec ce deuxième opus qui fait mieux que confirmer le potentiel d'un combo à suivre de près au sein de cette mouvance hard 70's dont on ne se lasse pas de la juteuse semence.