Inclassable, Bagarre Générale est un groupe qui ne ressemble à nul autre, errant le long d'une ligne ténue séparant doom et post-rock sans qu'aucune de ces étiquettes ne lui convienne vraiment. Le socle instrumental de son art, combiné à une dimension fortement cinématique, ainsi que l'utilisation de cuivres, achèvent d'en faire un O.M.N.I. (objet musical non identifié) qui ne cesse de nous intriguer autant qu'il nous fascine.
Découvert par beaucoup grâce à son alliance avec Year Of No Light le temps d'un split fracassant, le quintet est (enfin) de retour, cinq ans après un premier effort éponyme sorti chez Radar Swarm. Son nom suggère quelque chose de désordonné, de cacophonique. D'une certaine façon, "Tohu-Bohu", édité en CD et vinyle par Music Fear Satan et en cassette par Cold Dark Matter, a en effet quelque chose d'un maelström bouillonnant, plus incontrôlable qu'anarchique, où s'affrontent guitares aériennes, rythmique oppressante et trombone déglingué en une bande-son apocalyptique qui gronde d'une puissance souterraine, témoin ce 'Promenade' au titre pour le moins ironique, élévation martiale aux lignes agressives, brassant des images de péplums enflammés.
Plus que jamais, le matériau façonné par Bagarre Générale se confond ainsi avec une musique de film, partition à la fois grandiloquente et extrêmement dure. Baignant tout d'abord dans une ambiance de giallo brumeux, 'Vertigo' embarque ensuite pour un voyage pulsatif aux atours aussi sombres que lourds, propulsé par un duo basse / batterie d'une force tellurique et hypnotique pour un résultat enveloppant, bloc massif que cisaillent des guitares obsédantes.
Le format étiré de ces trois pistes participe de ce langage cinématographique qui culmine lors de 'L'usage des Mondes', dont les quinze minutes synthétisent cette signature qui n'appartient qu'à ses géniteurs, laquelle a gagné en ampleur et en force noire. Tour à tour écrasante ou plus éthérée, cette plainte tisse un récit tumultueux fait d'envolées guerrières et de respirations atmosphériques qui bat d'un pouls fiévreux.
Exploration autant sonore que sensitive, "Tohu-Bohu." ouvre de nouvelles perspectives pour Bagarre Générale dont la matrice se fait de plus en lourde et immersive.