Après un album en demi-teinte, "Duets", qui s’essayait au difficile exercice des reprises en duo de titres pop, Elton John revient au style qu’il a forgé depuis le milieu des années 70 et popisé durant les années 80. "Made In England" est une alternance de ballades mélancoliques et/ou romantiques souvent enrichies d’une orchestration de cordes, comme au bon vieux temps (le retour de Paul Buckmaster aux orchestrations n’est pas étranger à ce renouveau) et de titres pop/rock soutenus et dansants.
En dehors des goûts de chacun le portant à préférer telle ou telle mélodie, les compositions correspondent à ce que l’on peut attendre d’Elton John, sans originalité particulière mais très agréables à écouter. La production est claire et équilibrée et Elton John semble investi, ce qui n’a pas toujours été le cas durant les années 80. Il est vrai que sa vie a pris une nouvelle et heureuse orientation. Tout d’abord, il a décidé de se débarrasser de ses démons en suivant une cure de désintoxication au début des années 90 : finie son addiction à la drogue et à l’alcool, finie la vie de bâton de chaise, désormais, il est clean.
Conséquence de cette virginité ? Elton John rencontre l’homme de sa vie en 1993, David Furnish, un réalisateur canadien qu’il épousera en décembre 2005 lorsque la loi anglaise l’autorisera. Comment ne pas penser que ‘Believe’ qui ouvre l’album et sa profession de foi ("I believe in love") ne lui sont pas dédiés ? Vie plus saine et amour heureux semblent stimuler la créativité d’Elton John qui aligne les mélodies imparables, d’abord en collaborant à la bande-son du dernier Disney, "Le Roi Lion", ‘Can’t You Feel This Love Tonight’ et ‘The Circle of Life’ étant appelés à devenir deux grands tubes, ensuite en réalisant un sans-faute sur "Made in England", aucun titre ne paraissant superflu.
Bien sûr, l’album sonne plus pop de luxe que rock. Les chansons ne laissent la place à aucun solo, aucune excentricité, le chant est omniprésent, alignant les couplets et les refrains sans interruption, et l’on sent bien que les musiciens ne sont là que pour étoffer la prestation du chanteur. Rares sont les moments où la musique existe par elle-même ('Cold', le folklorique 'Belfast', le mélancolique final de 'Blessed') et, à cette occasion, ce sont essentiellement le piano et l’orchestre qui réussissent à se faire entendre.
Mais les mélodies sont toutes très agréables à écouter : pas de longueur ou de mièvrerie comme cela a pu être le cas par le passé. "Made in England" est sans surprise mais très bien fait : ceux qui apprécient Elton John peuvent acheter cet album en confiance, ils ne seront pas déçus, la qualité du songwriting étant excellente, ceux qui ne l’aiment pas ne seront toujours pas séduits.