En 1997, Elton John fête ses 50 ans. Après avoir amusé son public de ses tenues et lunettes excentriques dans la fougue de sa jeunesse, il s’est perdu en chemin au cours des années 80, jouant à la rock star capricieuse et noyant son mal-être dans l’alcool, la nourriture et la drogue. Mais le nouveau quinquagénaire a repris son destin en main et apparaît désormais assagi et reposé, le plus souvent en costume sombre sur tee-shirt noir. Sobre à tout point de vue.
Cette nouvelle hygiène de vie couplée à la rencontre de l’âme-sœur a rapidement produit son effet : "Sleeping With the Past", "The One" et "Made in England", sans parler de la BO du "Roi Lion", sont d’incontestables réussites, positionnant le chanteur comme l’un des artistes les plus exceptionnels de la scène internationale. "The Big Picture", l’album de son "jubilé", voit donc le jour dans des circonstances on ne peut plus favorables.
Et tout commence pour le mieux, par un soft rock mélancolique mettant en valeur la voix et le piano d’Elton John et se terminant par un exercice de vocalises féminines aussi inhabituel que séduisant. Arrive ensuite ‘Live Like Horses’, le meilleur titre de l’album, sur lequel la présence d’un chœur fantomatique et expressif est très judicieusement exploitée et dont les montées d’intensité sur les refrains tireront des frissons aux auditeurs les plus aguerris (la version single sera chantée en duo avec Pavarotti). Puis ‘The End Will Come’, moins orchestral mais laissant quelques espaces à la guitare et au piano, vient clore cette trilogie qui entame le disque sur des mélodies au tempo lent mais convaincantes.
Malheureusement, la suite n’est pas du même niveau et donne l’impression qu’Elton John a jeté toutes ses cartouches dans les trois premiers titres. Au-delà, on tombe dans une pop sans véritable relief et assez mollassonne, au tempo souvent alangui, aux mélodies assez banales (‘Love's Got a Lot to Answer For’, ‘The Big Picture’, ‘January’) et à l’orchestration linéaire (‘If the River Can Bend’, ‘Something About the Way You Look Tonight’) recouvrant d’un nappage de cordes synthétiques (et de cuivres pour la dernière chanson) tous les autres instruments qui se contentent de faire de la figuration.
Seuls sortent du lot ‘Recover Your Soul’ et ‘I Can't Steer My Heart Clear of You’, le premier très réussi dans la catégorie pop FM, qui aurait pu aussi bien marcher qu’un ‘Sacrifice’ ou ‘Nikita’, le second pour les orchestrations et la mélodie qui lorgnent clairement du côté d’un ‘Tonight’ de seconde classe. Signalons également la destinée exceptionnelle de ‘Something About the Way You Look Tonight’, rock mid-tempo quelconque, mais qui va devenir le single le plus vendu au monde parce qu’il est accouplé à la version 1997 de ‘Candle in the Wind’ chantée en hommage à Lady Di.
Même s’il est moins enthousiasmant que ses prédécesseurs, "The Big Picture" reste très écoutable, comme c’est pratiquement toujours le cas avec Elton John. Un album à classer dans la moyenne de sa discographie pléthorique.