Malgré son nom, Daisy Driver est un groupe lorrain bien de chez nous. Formé en 2014, il participe à plusieurs festivals avant de décider de se fixer une fois pour toute un point d'origine dont le titre sera le paradoxal "Nulle Part".
Daisy Driver ne fait pas dans la dentelle. Sans avoir pris le temps d'échauffer les oreilles de son auditeur, voilà que les musiciens se lancent dans un raid très physique. 'Drowning' et sa basse poisseuse, 'Mya' avec son riff de guitare minimaliste et hypnotique couplé à une ténébreuse section rythmique, la locomotive endiablée 'El Loco' ou le sommet à fleur de peau 'Une Rose, Un Espoir'. La formule reste peu ou prou la même, des couplets mid-tempo, transpirant la moiteur et la sueur et des refrains explosifs où l'ensemble s'emballe. Quelques titres resteront toutefois anecdotiques comme 'Johnny Rodeo' ou le titre éponyme.
De leurs timbres graves et imposants parfois feutrés, les différentes voix se livrent à de véritables cris de colère, de jouissance comme pouvait le faire le regretté Chester Bennington. Les paroles assez bien écrites justifient ces éclats : critique de la société et en particulier des politiciens aux poches enflées ('I Love Paris', 'On Est Tous'), mal-être ('Drowning', 'De New York à Madrid') mais avec toujours des solutions de rechange ('Le Cri Du Monde', 'Mya', 'Une Rose, Un Espoir'). On peut toutefois mettre un bémol pour l'insistance à vouloir faire des couplets en français et chanter les refrains en anglais (en particulier le ridicule refrain de 'Roxanne', proche du plagiat du titre de Police et qui gâche une chanson au fort potentiel). Une poignée de titres s'avancent timidement vers d'autres directions comme l'amusant pont reggae sur 'De New York à Madrid', les sons trafiqués hip-hop de 'Mya', ou un cinglant 'I Love Paris'. Même s'il n'y a rien de nouveau sous le soleil de Bar-le-Duc , Daisy Driver mise sur l'efficacité.
L'agencement de l'album est assez déroutant, disséminant quelques reprises parmi la quinzaine de chansons. Cet exercice délicat laisse craindre le pire lorsque le groupe reprend 'Morgane de Toi' de Renaud, donnant l'impression d'entendre une imitation parfaite de l'original (y compris la voix chevrotante) pour un résultat manquant de séduction. Et alors que l'auditeur commence déjà à désespérer à l'annonce d'une reprise de 'Les Yeux Revolvers' de Marc Lavoine, quelle ne sera pas sa surprise de constater qu'à l'inverse du morceau variétoche de qualité, la formation pulvérise l'original d'un son rock un tant soit peu insolent à la manière des Betteraves ou d'un Ultra Vomit (sans pour autant faire trop de second degré).
Daisy Driver est un groupe à suivre et avant tout à aller voir en concert, l'énergie communicative déployée sur l'album risquant d'être démultipliée en live.