Depuis son départ de Tesseract en 2011, Daniel Tompkins n’a pas chômé : Skyharbor, Haji’s Kitchen et Absent Heart en 2012 suivi de White Moth Black Butterfly en 2013 et Piano en 2015. C’est le projet intimiste et electro de l’Anglais qui nous intéresse ici. Comme son prédécesseur, "Atone" est une œuvre collective et internationale écrite par plusieurs compositeurs et auteurs dont Keshav Dhar (Skyharbor), l’Américain Randy Slaugh et l’Anglaise Jordan Turner qui forment le duo de chanteurs avec Daniel Tompkins.
A première vue le parallèle entre le metal progressif djent de Tesseract et la pop cotonneuse de White Moth Black Butterfly ne saute pas aux oreilles. Pourtant, de son expérience avec Tesseract, Daniel Tompkins a gardé ce goût pour les musiques atmosphériques dont White Moth Black Butterfly est la manifestation la plus pure, et ceci dans une double acception immersive et pittoresque. De pureté il est question tout au long des onze titres répartis en trois mouvements qui constituent "Atone". Dans les chants au lyrisme cristallin ('Penitence', 'Evelyn', 'Deep Earth') de Jordan Turner qui accompagne Daniel, les émotions délicates sont transmises par les harmonies mélancoliques et apaisantes comme dans les ambiances oniriques ou éthérées qui nimbent la dream-pop de White Moth Black Butterfly. Les instrumentations participent à installer un climat de douce sérénité en privilégiant la rondeur des sonorités, les cadences rythmiques modérées et les arrangements classiques de cordes.
Le titre de l’album a quelque chose de pertinent en ce qu’il renvoie à la cohérence et à l’harmonie de l’ensemble de l’œuvre, dont la brièveté (moins de trente-huit minutes) renforce ce constat. Mais il ne faut pas prendre le terme atone dans le sens de monotone car "Atone" n’est pas construit suivant une tonalité unique mais selon un faisceau de fluctuations et d’ambiances, qui vont de l’épique (‘Tempest', 'Evelyn') à l’oriental (‘The Stage’), ce qui assure sa variété tout en conservant sa ligne thématique et son équilibre global. Il y a une certaine maestria à passer de l’art-pop (‘Rising Sun’, 'The Serpent') à l’ambient (‘Penitence’), de l’expérimental (‘Deep Earth', la fin cinématographique de 'Penitence') au new-age (‘Symmetry’), en utilisant aussi bien les effets electro ('An Ocean Away') que les orchestrations de violons et piano (‘Evelyn’, 'Atone'), tout en maintenant ce même degré d’unité qui règne dans le disque.
White Moth Black Butterfly est un collectif soudé qui parvient à façonner une musique pop raffinée et immersive totalement accessible dont certains morceaux pourraient très facilement entrer dans les critères de la grande diffusion populaire. Cette double dimension rend "Atone" immédiatement abordable et passionnant sur la durée. C'est un voyage musical impressionniste qui évoque des paysages lumineux et fantastiques et inspire des sensations nostalgiques à la fois réconfortantes et imaginaires. Faire l’expérience de son écoute, c’est s’extraire quelques trop courts instants de l’agitation du monde.