Ereb Altor est un groupe dont nous nous étions un peu éloignés ces dernières années, la faute à un virage franchement black metal entamé à partir de "Gastrike", aboutissant à un art moins envoûtant et épique et tout simplement plus basique que le doom majestueux grâce auquel le drakkar a pris la mer, ramenant comme trésor de guerre les "By Honour" et "The End" de grandiose mémoire.
C’était toujours très bien fait - avec des membres d’Isole à son bord, comment pouvait-il en être autrement ? - mais la magie des débuts semblait s’être pourtant envolée de ce fruit de l’accouplement entre le Bathory le plus atmosphérique (celui de l’inégalable diptyque "Hammerheart" / "Twilight Of The Gods") et le doom épique, érodé par des vents noirs plus abrupts que galvanisants. D'ailleurs, même l'hommage fait à l'œuvre de Quorton, "Blot – Ilt – Taut", en a alors déçu plus d’un.
S’il serait exagéré de prétendre que les Suédois ne nous intéressaient plus guère, reconnaissons que nous n’attendions rien de particulier de "Ulfven". De fait, quelle ne fut pas notre (excellente) surprise en posant une oreille tout d’abord distraite sur cette sixième épopée ! En sept minutes sur lesquelles s’étire ‘En Synd Svart Som Sot’, qui lance l’écoute après un prélude aux accents traditionnels (‘Völuspa’), la tiédeur de "Fire Meet Ice" et "Nattram" se trouve immédiatement balayée par le souffle du grand nord, rappelant à notre bon souvenir le Ereb Altor le plus mythologique.
Le plus beau surtout, capable de faire jaillir des émotions à fleur de peau, à la manière de la bande-son composée par Daniel Nascimbene pour "Les Vikings" de Richard Fleischer, mariage entre le feu et la glace. Sorcier donnant vie à un monde sombre et héroïque trempé dans le sang et le fer, le groupe enfante là une de ses pièces les plus gigantesques, promue à entrer dans la légende grâce à ses mélodies enivrantes évoquant les forêts boréales et les fjords éternels.
En puisant dans le terreau scandinave, les Suédois renouent avec une inspiration non seulement épique mais surtout fascinante. Ce menu tumultueux est jalonné de montagnes démesurées telles que ‘Ulfven’, ‘Bloodline’ ou ‘Av Blod Är Jag Kommen’ qui se dressent dans toute leur impériale et atmosphérique beauté et vers lesquelles tend forcément notre préférence.
Si le pur black metal en vigueur sur les derniers albums n’a pas pour autant été remisé dans un hangar, s'accrochant au pied de ces reliefs empreints de majesté sous la forme de quelques (rares) saillies furieuses et agressives (‘The Rite Of Kraka’), ces traits tranchants se réduisent généralement à de fugaces oripeaux, comme sur ‘Wolfcurse’ et ‘Gleipnir’ dont il faut attendre la dernière partie pour voir un chant brutal éructer soudainement.
Conquérant, Ereb Altor livre avec "Ulfven" une de ses meilleures offrandes car synthèse parfaite entre doom épique et black viking.