Nous avions quitté les frères Von Hertzen sur un encourageant "New Day Rising" qui replaçait les Finlandais dans le sillage de leur parcours ascensionnel après un "Nine Lives" moins tranchant et plus consensuel. Pour leur septième album "War Is Over", la fratrie a rejoint le très actif label Mascot et enregistre le retour du batteur Sami Kuoppamäki déjà aux baguettes sur "Approach" en 2006.
Mikko, Kie et Jonne ont abordé la composition de "War Is Over" en voulant recouvrer la virginité des origines et la fraîcheur dans le processus de création. Pour y parvenir, les trois frères ont choisi l'isolement en se retirant à tour de rôle sur la petite île Söderskär dans l'environnement calme et rassurant de leur enfance. Cet engagement renouvelé s'illustre dans une formation complémentaire qui s'investit comme jamais dans un album pour lequel chacun d'eux a produit les titres qu'il a composés et a amené sa propre subjectivité. Mikko a par exemple puisé dans son passé en Inde pour écrire les textes et apporter certaines tonalités orientales ('To The End Of The World', 'Blindsight' et les guitares-cithares de 'Long Lost Sailor') et Kie prouve son envie et sa totale liberté en plaçant pour la première fois des soli dans presque tous les morceaux.
Le septième Von Hertzen Brothers s'inscrit complètement dans la période la plus fertile et aventureuse du trio, avec "Approach" et "Love Remains The Same" comme jalons, celle qui ne connaît pas de limite dans la création et qui synthétise dans le plus pur des dosages la signature rock symphonique et progressive de Von Hertzen. " War Is Over" comble toutes les attentes en balayant de nombreux formats, de la guitare acoustique-voix nimbée de cordes à l'occasion d'un 'Wanderlust' épuré à la sensibilité affleurant à la composition élaborée et ambitieuse comme le titre d’ouverture éponyme. Ce dernier, par son sujet, sa dimension épique et sa durée inédite chez le trio, donne d’emblée de la densité et de la profondeur au disque.
Entre ces deux bornes la musique pratiquée par la tribu se diffracte en un spectre étendu de tonalités et de styles allant du plus direct avec des titres rock facilement assimilables comme ‘Frozen Butterflies’, l’orientalisant ‘Blindsight’ ou le musien ‘The Arsonist’ au groove insufflé par un Sami Kuoppamäki époustouflant sur tout le disque, au plus ascensionnel avec 'Beyond The Storm' qui clôt l’album sur une envolée cathartique. Les frangins mobilisent leurs influences classiques pour donner cette teinte légèrement rétro aux sonorités par l’usage de claviers exubérants et vintage comme dans l'homérique ‘Jerusalem’, la sensation dansante presque disco ‘Long Lost Sailor’ ou l’évolutif ‘Who Are You ?’ aux échos 80’s. Le soin porté aux finitions consolide la griffe Von Hertzen si reconnaissable dans les arrangements symphoniques toujours subtils (les cordes de ‘Blindsight’, ‘Beyond The Storm’, alliées au piano sur le sublime ‘Who Are You ?’) et au sein de majestueux chœurs qui font du trinôme les dignes légataires de Queen (‘War Is Over’, ‘Long Lost Sailor’ et ‘Beyond The Storm’).
En choisissant de se remettre en question plutôt que de choisir la facilité commerciale comme avec "Nine Lives", Von Hertzen Brothers ranime une flamme qui ne demandait qu'à s'embraser et retrouve l'impressionnante inspiration de leurs meilleures réalisations. Il les dépasse même au niveau de la cohérence, de l'expression des émotions et de la variété de l’ensemble. Dans "War Is Over", les frères Von Hertzen atteignent un très haut degré d’équilibre entre énergie et finesse, avec un rendu sonore à la fois clair et puissant, sophistication et fluidité des constructions, richesse harmonique et accessibilité des mélodies. "War Is Over" entérine un Von Hertzen Brothers au sommet de son art.