S'il
existait une Bible du hard rock suisse, elle comporterait
vraisemblablement deux chapitres majeurs concernant Gotthard et
Krokus. Les deux géants helvètes pourraient toutefois permettre que
viennent se glisser parmi les pages de l'ouvrage quelques paragraphes
contant l’œuvre de Shakra. Le combo présente en effet aujourd’hui
deux décennies au compteur et dix albums studio à son actif. Cette
persévérance et cette productivité mériteraient à n'en pas
douter que cet honneur leur soit rendu, d'autant que la qualité
de leurs productions en a bluffé plus d'un au fil des ans.
En
cette année de vingtième anniversaire, Shakra nous présente en 2017
son nouvel opus "Snakes & Ladders" un an après un "High Noon" apprécié dans le microcosme du hard mélodique. Deux albums en deux
ans, voilà qui n'était pas arrivé aux Suisses depuis les années
2000/2001 avec "Moving Force" et "Power Ride". Il ne reste plus qu'à
savoir si Shakra a réussi en si peu de temps à marquer du sceau de
la rutilance sa créativité.
Loin
du style de son compatriote Krokus, Shakra est fréquemment comparé
à Gotthard qui, comme lui, navigue dans les eaux de l'easy listening.
A la différence du porte-étendard de la nation, Shakra associe
régulièrement les soins mélodiques portés à ses créations à
des rythmiques rugueuses, empruntant ainsi fréquemment des chemins
que Gotthard n'honore que d'incursions fugitives. "Snakes &
Ladders" fréquente ces sentiers aux sols rocailleux se laissant
parcimonieusement envahir de fleurs odorantes chatoyantes. La main de
fer, le gant de velours, l'adage nous est familier.
La
voix de Marc Fox, vocaliste des origines revenu auprès des siens sur
l'opus précédent, force une fois de plus le respect. Parfaitement
adapté aux intentions musicales du combo, il offre, avec son petit
côté Bryan Adams, la combinaison parfaite entre rugosité et
chaleur. Douze titres sont ici au programme, une cinquantaine de
minutes au cours desquelles nous croisons bien entendu la route de
Gotthard, mais également celle de Bonfire, ce groupe allemand né
dans les 80's et qui aurait mérité plus de succès qu'il n'en a
recueilli.
La
douzaine de morceaux proposée ne révolutionnera pas le genre,
certes. C'est d'ailleurs fréquemment le reproche qui est fait aux
Suisses : manque d'originalité, manque d'audace, timide classicisme.
Ces critiques ne peuvent être balayées d'un revers de main. Mais
tourner le dos à cet album et passer à côté des quelques hits qui
l'habitent serait une erreur regrettable. 'Something You Don’t
Understand' et 'The End Of Days' méritent une standing ovation et une
salve d'applaudissements devraient couronner 'Cassandra's Curse', 'Friday Nightmare', 'Open Water' et 'The Rest Of My Life'. Toutefois, les
moins marquants 'The Seeds', 'I Will Rise Again' et 'Fire In My Veins' et
surtout les coups de mou proches du remplissage que sont 'Rollin'', 'Medecine Man' et l'éponyme 'Snakes & Ladders' choisi, vraiment peu
habilement, comme premier single, ne peuvent malheureusement que
tempérer les ardeurs.
Ce
onzième opus de Shakra ne figurera donc pas sur le podium de leurs
réalisations, mais grâce à sa demi-douzaine de titres hauts en couleur,
trouve tout de même le moyen de renvoyer dans les cordes le dernier
album en date de Gotthard. Voilà qui pourrait suffire au bonheur des Bernois.
Suisse, ton univers impitoyable...