Que Eluveitie ait (enfin) décidé de compléter le diptyque acoustique "Evocation", entamé il y a huit ans, alors même qu'il vient de traverser la période la plus chaotique de son histoire, voyant la majeure partie de ses membres déserter ses rangs, à commencer par son emblématique chanteuse et joueuse de vièle Anna Murphy (Nucleus Torn, Lethe), n'est peut-être pas si étonnant en ce sens où ce second volet, en prenant des allures d'escapade salvatrice, permet à Chrigel Glanzmman et sa (nouvelle) troupe de se rôder avant d'offrir un véritable successeur à "Origins", tout en lui assurant un succès programmé.
Pourtant, s'il épouse les mêmes traits celtiques et dansants, "Pantheon" ne peut se confondre avec une facile resucée de "The Arcane Dominion" dont il se distingue par sa nature plus chamanique encore. Alors que son prédécesseur a été enfanté dans le sillage heureux de "Slania" qui a véritablement lancé les Suisses, ce deuxième segment puise sans aucun doute ses teintes crépusculaires dans le contexte sombre que les Suisses ont vécu. Cette obscurité enveloppe une bonne moitié de l'album auquel elle confère des accents quasi ritualistes dont l'exemple le plus saisissant reste le nocturne et tribal 'Artio'.
Aux côtés des ritournelles les plus sautillantes ('Epona', 'Lvgvs ou l'inoxydable 'Omnios') se nichent de ténébreuses mélopées ('Esvs'), souvent très courtes ('Tovtatis'), qui mitent un menu tout du long écartelé entre pénombre et lumière. De fait, si non seulement ceux qui attendaient du pur metal folklorique dont ne subsistent que des oripeaux à travers le chant du maître des lieux, qui plus est en retrait, en seront pour leur frais, les amateurs de gigues virevoltantes ne seront pas plus comblés par cet opus qui, bien que souvent entraînant ('Tarvos II'), se pare donc d'apparats mélancoliques et presque funéraires, nous plongeant dans une Gaule ombrageuse où règnent magie et croyances telluriques.
Quoiqu'un peu trop chargé avec ses dix-huit pistes au compteur, "Pantheon" n'en demeure pas moins fascinant de bout en bout. Si elle impressionne par ses pulsations instrumentales ('Taranis'), l'offrande est le réceptacle de la voix tour à tour ensorcelante et sentencieuse de Fabienne Erni qui n'a pas à rougir de la comparaison avec une Anna Murphy pourtant très appréciée des aficionados. Elle est assurément la grande découverte de cet album dont on peut penser que sans elle, il n'aurait pas brillé du même éclat solaire et obscur tout ensemble.
Entêtant et incantatoire, "Pantheon" est aussi accessible que déroutant, œuvre d'une ambivalence noire grâce à laquelle Eluveitie se ressource miraculeusement.