PROPHETS OF RAGE: Prophets Of Rage (NEO/NU METAL) : avis / chronique à lire sur Music Waves

Le temps est à la rage. Prophets Of Rage est un groupe contre. Contre l’injustice, la misère sociale, le racisme, la corruption qui gangrène la société américaine. La guerre c’est mal, la paix c’est mieux, les politiciens sont tous des pourris. Qu’attendent les gens pour faire la révolution ? Bref, rien de bien neuf sous le soleil californien des groupes contre. "Fuck you, I won’t do what you tell me !" était déjà le slogan des insoumis Rage Against The Machine il y a vingt-cinq ans. Si la musique pouvait changer le monde, ça se saurait. Un quart de siècle plus tard, les Américains ont élu Donald Trump pour président. Et ça Tom Morello ne l’a pas supporté. Le guitariste a illico contacté ses ex-compagnons de meeting neo-metal pour crier à la face du monde que le magnat de la télé-réalité prenait les électeurs pour des Mickey.

Oui mais problème. Zack de la Rocha, en pleine réalisation de son album solo, ayant décliné poliment, la reformation de Rage Against The Machine n’était pas possible. Tant pis, les inventeurs du rap metal ont des vieux potes dans le monde du hip hop. Les rappeurs B-Real de Cypress Hill, Chuck-D et DJ-Lord de Public Enemy vinrent compléter le line-up. Le monde du rap est peuplé de groupes contre, et ces deux-là en sont les fers de lance depuis trente ans.

Alors suffit-il d’être contre pour faire un bon disque ? L’écoute de ce premier album de Prophets Of Rage nous prouve que non. D’abord parce que les deux célèbres MC Chuck-D et B-Real ont beau avoir un flow impeccable, ils n’ont ni la hargne ni l’urgence véhiculée par la voix de Zack de la Rocha. Un comble pour un groupe contre. Car quoi qu’on en dise, les limousines, les chaines en or et les filles faciles ramollissent le bide. Ensuite parce que la grande majorité des titres brille par un manque cuisant d’inspiration et sent bon le recyclage de Rage Against The Machine (‘The Counteroffensive’, ‘Hail To The Chief’, ‘Strength In Numbers’, ‘Fired A Shot’, ‘Who Owns Who’, ‘Hands Up’). Certes le jeu de guitare inimitable de Tom Morello est bien présent mais ses riffs, ses solos scratchés et ses effets whammy rélèvent plus de la signature obligée et de l’auto-plagiat que d’un réel travail de composition. Loin, très loin de son fabuleux travail avec Audioslave.

Pourtant certains morceaux méritent le détour : le brulôt neo-metal ‘Unfuck The World’, le très bon ‘Living On The 110’ sur les SDF vivant sous l’autoroute 110 de Californie et le très hard rock ‘Legalize Me’ vantant la dépénalisation du cannabis et prouvant ainsi qu’un groupe contre peut parfois être pour. Mais le titre le plus original demeure ‘Take Me Higher’. En s’éloignant du metal et en lorgnant vers le funk de Prince, ce morceau et son excellent chant rap démontrent une réelle cohésion du groupe qui fait par ailleurs cruellement défaut.

Douter de la sincérité de l’entreprise relèverait du procès d’intention et serait sans doute un peu abusif. Même si l’écoute de cet album dans sa globalité pose la question du coup marketing destiné à renouer avec le passé glorieux de Rage Against The Machine, il n’est pas interdit de penser que le discours engagé de Morello et sa bande soit des plus authentiques. Ne reste plus qu’à espérer à l’avenir un travail de composition à la hauteur de l’enjeu. Si avenir il y a.

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