Moebius est un tout jeune groupe sarde fondé en 2014. "Hybris" est leur premier opus en forme de concept album sur lequel les Italiens ont bossé près de deux ans. Le thème ne saute pas aux oreilles immédiatement, la faute à un chant entre death et screamo difficilement identifiable même par des auditeurs rompus à la langue de Shakespeare dans laquelle ils sévissent.
Malgré leur jeunesse, les musiciens affichent des capacités techniques bien au-dessus de la moyenne, condition sine qua non pour évoluer dans un genre entre math metal et progressif très exigeant dans ce domaine. Ils revendiquent des influences telles que Pantera, Meshuggah, Tool ou Porcupine Tree que l'on retrouve dans leur musique (principalement les deux premières), faite d'un metal brut aux riffs saccadés.
Après une introduction intrigante aux sonorités shamaniques, les hostilités sont lancées avec 'Obsidian' qui donne le tempo, plutôt rapide, d'un album qui ne fera pas débander les adeptes des riffs syncopés et brutaux. L'inspiration math/groove metal est omniprésente et matérialisée par ces riffs accompagnés d'une rythmique élaborée et chirurgicale. Le chant hurlé ravira les amateurs de screamos mais risque de vite fatiguer les autres à cause d'une interprétation linéaire qui deviendra vite monotone au fil des pistes.
Par contre musicalement, ce "Hybris" tient la route et les Italiens nous tiennent en haleine avec des morceaux intéressants, aux constructions complexes et variées. Sur cet aspect, le seul regret est simplement qu'il n'y ait pas plus de passages purement instrumentaux pour laisser souffler nos esgourdes d'une part et pour se délecter de la richesse des compositions d'autre part. Ainsi 'Lead', 'Limestone' ou l'excellente 'Diamond' sont de véritables joyaux et les écoutes répétées aideront à en saisir toute l'étendue. Mention spéciale à la section rythmique qui, fortement inspirée par les Américains de Tool, contribue à la qualité globale de l'ensemble grâce à une prestation de haut vol tout au long de l'exercice dans un style math-rock pour la batterie appuyée par la basse d'une noirceur ronflante.
Si musicalement Moebius secoue le cocotier, le chant trop linéaire dans l'ensemble et sans grandes nuances pourra rebuter les plus réfractaires aux sonorités extrêmes. Du coup, "Hybris", bien que non dénué de qualités évidentes, est réservé aux extrêmeux amateurs de progressif à la Meshuggah. Dommage que les parties en chant clair ne soient pas plus nombreuses car elles auraient certainement élargi les perspectives du groupe. Une piste à creuser pour l'avenir que l'on scrutera tout de même avec attention du côté de la Sardaigne.