Music Waves avait laissé Toothgrinder vaquer à ses occupations métalliques, un tantinet défait, un tantinet déçu, même si nous avions été tout de même surpris. En effet bien que leur dernier opus ait été inattendu, il était aussi décevant car la formation ne sortait pas du lot, proposait une musique appliquée, mais parfois si prévisible que cela en devenait étouffant. Malgré tout notre équipe avait senti que ce groupe en avait sous le pied (on ne nous la fait pas !), par ailleurs leur curriculum vitae abondant et leur savoir-faire laissaient présager d’un futur radieux pour ces musiciens.
Ils reviennent aujourd'hui avec une galette énigmatique, "Phantom Amour", qui rehausse largement l'estime pour ces musiciens. Car bien loin de proposer un énième brûlot metalcore ultra-calibré, la rondelle disperse au gré des humeurs des sensations variées, puis les recompose en un halo irradiant une multitude de couleurs chatoyantes. Le disque mérite donc quelques instants attentifs afin de savourer son contenu, de le découvrir et d'en libérer l’essence, vaporeuse et suave, qui à chaque vibration semble faire éclore une entité métallique inconnue.
Les premières secondes de 'Hvy' nous baignent dans une coulée de notes hémophiles qui jamais ne cessent, où la rythmique est artificielle, la guitare parfois en retrait, et la voix susurre des mélodies charmantes. Parfois cette voix se travestit en une version âpre, change de peau et quitte ses oripeaux lorsque la colère se déverse avec parcimonie. Puis, une intervention de guitare solitaire ponctue le titre avec maestria. 'The Shadow' prend la même voie (voix) : les cordes vocales éructent un brin de rage et un brin de mélodie savoureuse. De ces deux premières étapes naissent des espaces langoureux, des berceuses qui nous transportent au fil de mouvements hypnotiques, de va-et-vient, de relâchements, de tensions et de déplacements.
Sur 'Let It Ride' le style est plus resserré, il fonce dans le tas grâce notamment à une évolution rythmique plus rigide, alors que 'Phantom Amour’ élargit les métriques, disperse les instants musicaux que l’étape précédente a concentré en une unique singularité. Les oscillations mécaniques millimétrées et méthodiques se poursuivent jusqu'à 'Adenium’ et son beau refrain qui nous rappelle beaucoup Linkin Park. 'Jubilee' et 'Paris' closent avec prestance cette longue partie où les éléments s'imbriquent, où les secondes bouclent à l’infini et où tout ne fait qu'un et que ce ‘un’ est tout. Toutefois, les ultimes pistes apparaissent plus traditionnelles, même si la part belle est faite aux sonorités naturelles ou à une production presque live.
Alors que nous avions étés égarés par le précédent opus, Toothgrinder revient en grande forme avec une œuvre multiple, un labyrinthe de sensations complexes aux couleurs variées. Le combo nous repêche donc avec cet opus grave, beau et sombre, à la mise en lumière qui magnifie sa musique, qui explose les carcans et les barrières. "Phantom Amour" est donc plus que de la simple violence, il est une chute dans un maelström bouillant, une litanie lancinante dont le seul fil rouge guide nos sens aveuglés.