Derrière ce patronyme tout aussi curieux (la pierre de la chienne) que provocateur se cachent deux têtes chercheuses, originaires des Alpes Maritimes. L'anonymat présumé de ses membres n'a d'égal que leur discrétion relative lors de festivals estivaux où ils sont apparus sur la pointe des pieds. Pourtant Stone Of A Bitch n'est pas un groupe timoré et dépourvu d'ambition : pour son premier album, il s'est fixé pour objectif d´explorer les distorsions de l'esprit humain, en particulier ses fascinantes zones d'ombre.
Ce voyage intérieur ne sera pas de tout repos, comme si le groupe avait réussi à pénétrer au plus profond de notre crâne pour isoler le tempétueux "ça" freudien, réceptacle de tous nos fantasmes et pulsions. L'investigation introspective n'est pas une coquetterie et forme l´ossature thématique de l´album. Sans aborder un versant psychologique ou psychanalytique, les paroles en anglais se font le miroir de ces thèmes et en se penchant dessus, l'auditeur aura vite l'impression d'entendre une petite voix dans sa tête asséner quelques vérités impossibles à refouler ('That's A War', 'Killing Summer', 'Tnbrs') même s'il faut reconnaître un certain minimalisme dans le style d'écriture, formé d'injonctions et de formules générales. Pour autant, le projet semble être à long terme, car rien d'autre que ces aspects anecdotiques nous donnent l'impression que le groupe a réalisé ce qu'il s'était fixé. Ce qui est un mal pour un bien car la portée des chansons est beaucoup plus ouverte que si elles étaient enfermées dans un carcan.
Mais la musique dans tout ça? Le meilleur concept toujours synonyme de réussite artistique... Que l'auditeur se rassure, le rendu musical n'entre pas en contradiction avec son sujet. Les climats sont lourds, saturés par les reverb' ('Holy', qui évoque le riff de 'Private Sorrow' de The Pretty Things ) ou hard ('Carribean Dive' avec son bouillonnant solo de guitare tellurique). Le chant féminin se révèle assez riche, passant habilement du débit de mitraillette ('That's a War', 'Cold Blood Tear') à la froideur la plus repoussante. Sur 'Killing Summer', il prend l´auditeur, noyé sous les reverb' de basse, à la gorge avant d´être rejoint par la voix masculine. Ces deux voix vampiriques se révèlent assez proches de ce que faisait Lydia Lunch en duo ou de la No Wave. Le chant sait également se faire ensorcelant sur des morceaux faussement calmes ('Wolves', qui se conclut par un nouveau solo de guitare). A la première face déchainée et tellurique répond une seconde face agitée mais traversée par des soubresauts de (fausse) quiétude comme en témoignent le quasi instrumental 'Croisette' ,'TnBr', ou la ballade nostalgique et orageuse 'We Before The People´'qui apporte un peu de réconfort après l'épreuve traversée. Pour autant, si le groupe connait sa trajectoire de vol, on pourra regretter que celui-ci soit assez direct : malgré les turbulences, il ne se met jamais vraiment en danger et l'enchaînement entre les chansons apparaît parfois un peu artificiel.
Avec sa pochette qui peut évoquer notre rapport paradoxal à notre inconscient, "Stone Of A Bitch" nous invite à écouter une musique tourmentée, agressive mais qui n'oublie pas de se tourner vers la lumière. Avec sa configuration en duo, Stone Of A Bitch est peut-être le fils spirituel de Kas Product. Nul doute que la performance de ce duo ne restera pas sans suite avec un départ marquant mais qui ne se distingue pas encore du tout-venant.