Fleuron du rock progressif italien dans les années 70, PFM avait décidé de prendre ses distances au moment où le genre tombait en disgrâce. Devenu un groupe de rock moins porté sur le progressif, PFM pose lui-même la question qui est sur toutes les lèvres à travers le titre de son nouvel album : malgré son changement radical, PFM est-il toujours PFM ou n´a-t-il pas renié son identité après de multiples compromis en échange de sa survie ? La réponse, confirmant que l´essence de la formation transalpine est intacte, arrive cinglante, avec toute la subtilité laconique contenue dans un point d´exclamation. Le live "Performance" paru en 1982, qui accueille le retour d'anciens titres du répertoire à une dose homéopathique, avait d'ailleurs partiellement rassuré sur ce point.
Ironie du sort, Franz Di Cioccio, batteur historique de PFM devenu, tel un Phil Collins, chanteur principal, est poussé sur le devant de la scène et un nouveau batteur, Walter Calloni, est engagé. Le violoniste Lucio Fabbri qui avait succédé à Flavio Premoli derrière les claviers va s´en donner à cœur joie sur cet album traversé par le son des synthétiseurs. Sur ´Marlon Brando´, il se livre même à d´espiègles soli. Il retrouve son instrument de prédilection sur ´Egotelecomunicazione´ et ´Be Be Bop´ pour des morceaux de bravoure dissonants. A première vue, le sautillant be-bop du même nom et le slow ´Attimo Di Musica´ seraient de solides arguments visant à traîner le groupe devant un tribunal du bon goût progressif pour trahison commerciale de PFM. Mais à l´écoute de l´objet du délit, on comprend la sincérité du propos porté par la voix sensuelle de Franz di Cioccio et une volonté collective de livrer le meilleur sur des chemins balisés.
PFM bétonne les arguments en faveur de son intégrité. Trois chansons vont venir prouver que ce n´est pas à de vieux singes italiens qu´on apprend à faire la grimace. Faussement pop, ´Sentimentalmente´ déboule par surprise avec ses lignes de claviers en épée de Damoclès. Franz Di Cioccio s´époumone, rejoint par les chœurs sur les refrains tandis que le nouveau venu à la batterie fait valoir un jeu reggae. La déflagration se poursuit avec un Franco Mussida qui enchaîne deux soli successifs de guitare, un premier acoustique et un second électrique. Avec son climat étouffant, ´Tigre´ s´oriente du côté des premiers albums d´Asia, chant alerte avec chœurs, claviers et basse tranchants et surtout un explosif solo de guitare éclatant dans la brume synthétique. Enfin, ´46´ adjoint à son riff de clavier d´anthologie un nouveau solo de virtuose de Franco Mussida.
PFM entre de plein fouet dans les années 80 avec un album qui ne donne pourtant pas l´impression que le groupe a cédé aux sirènes commerciales. Le groupe s´adapte aux sonorités synthpop avec sérieux dans une ère souvent décriée dominée par les synthés. Il est dommage que cet album soit peu connu et que ´Sentimentalmente´ ne soit pas devenu un tube intergalactique. Plutôt que de se perdre en exégèse sur le sexe de PFM, la meilleure solution est encore d'écouter cet album oublié dans une riche discographie.