1974 serait-elle l'année de la naissance de que l'on appelle aujourd'hui l'electro ? L'année qui valut aux artistes de l'époque d'engendrer toute une descendance nombreuse dont on ressent encore aujourd'hui toute l'influence ? Outre la parution d'un certain "Phaedra" de Tangerine Dream, un autre groupe allemand rejoint le devant de la scène cette année-là. Après 3 albums sortis dans l'anonymat presque complet, Kraftwerk publie en effet "Autobahn", pierre angulaire d'une discographie qui va installer le duo Florian Schneider/Ralf Hütter en référence incontournable du genre.
Pavé de plus de 22 minutes occupant une face entière du vinyle de l'époque, 'Autobahn' reproduit à merveille l'ambiance lancinante et quelque peu monotone d'un voyage autoroutier. Basé sur une mélodie simple et répétitive accompagnée de quelques accords sur lesquels quelques paroles viennent rythmer l'ensemble ('Wir fahr'n fahr'n fahr'n auf der Autobahn') tel le long déroulement du ruban bitumeux, ce titre voit le groupe enchaîner les ambiances et multiplier les effets. Si quelques passages semblent un peu longuets, c'est pour mieux retrouver le thème initial décliné sous différentes rythmiques et tonalités, exploité jusqu'à plus soif tel un sempiternel va-et-vient conviant cette mélodie lumineuse et des parties plus sombres, plus dépouillées et parfois à la limite de l'expérimental.
Avec le recul, les sonorités de synthés apparaissent quelque peu désuètes, de même que les nombreux bidouillages permettant de coller au concept, comme les grésillements de la radio qui viennent déformer les sonorités. Néanmoins, replacées dans le contexte de l'époque, ces manipulations sonores relèvent parfois de la prouesse, poussant le matériel à ses limites.
La deuxième face va quant à elle présenter des titres bien plus courts. Ce sont tout d'abord les deux parties de 'Kometenmelodie' qui, si elles ne s'avèrent pas d'un intérêt supérieur en raison de mélodies de nouveau très simples, se présentent, là encore avec le recul de l'histoire, comme une source d'inspiration évidente pour des groupes comme Orchestral Manœuvre in the Dark qui émergeront quelques années plus tard. Les deux dernières plages renvoient enfin le groupe vers des expérimentations plus planantes, propices à la rêverie, pour peu que l'auditeur se mette dans des conditions adéquates pour les apprécier. Nous les qualifierons d'anecdotiques.
Album qui vaut essentiellement pour son morceau titre, "Autobahn" n'en reste pas moins une référence absolue, un de ces jalons incontournables de l'histoire de la musique électronique, qui va asseoir le groupe allemand aux côtés des plus grands, et leur ouvrir grand les portes d'une renommée internationale qui ne se dément toujours pas quatre décennies plus tard.