Deux années se sont écoulées depuis la parution de "Radioactivity", durant lesquelles Kraftwerk a notamment sillonné les routes pour se produire en concert, ces pérégrinations étant propices à la naissance de nouvelles mélodies et d'un nouveau concept pour leur future production. Et après la route et les ondes radio (actives ou phoniques), c'est autour d'un concept encore une fois à double sens que le duo Hütter/Schneider va construire "Trans-Europe Express", traitant bien évidemment du voyage du train mythique, mais également de l'Europe au sens large.
Publié en deux versions, une allemande (comportant un titre chanté en français !) et une internationale en anglais, "Trans-Europe Express" s'ouvre avec un titre pop des plus classieux, 'Europe Endless', qui étale ses boucles répétitives de synthétiseurs sur près de 10 minutes, le tout orchestré par un des premiers séquenceurs, tout fraîchement acquis par le groupe. Le motif en arpège qui supporte la mélodie devient très vite entêtant et le charme opère immédiatement, avec en arrière-pensée l'inspiration qu'a pu y trouver OMD quelque temps plus tard.
Si les deux autres plages de cette première face sont un peu plus sombres, elles n'en restent pas moins aussi passionnantes, véritable bréviaire de musique pop électronique à destination des générations futures. Mention spéciale pour 'Les Mannequins', version française de 'Showroom Dummies' et présente sur la version allemande de l'album, où les paroles francisées et l'accent particulier des Allemands apportent un charme supplémentaire à une musique répétitive en diable.
La deuxième face du vinyle original est quant à elle consacrée à la suite 'Trans-Europe Express', dont les titres sont enchaînés au rythme du voyage du train fantastique. Et c'est sur une rythmique reconnaissable entre mille et ô combien évocatrice du roulement du train que Kraftwerk nous emmène si ce n'est vers l'orient, du moins dans un voyage au long cours, répétant à l'envie son thème original, décliné au-delà du titre éponyme dans une version industrielle ne conservant que sa partie rythmique ('Metal on Metal') avant de reprendre et terminer sa course en douceur ('Abzug'). 'Franz Schubert' puis 'Europe Endless' viennent ensuite boucler le concept, se référant l'un et l'autre au titre inaugural de l'album.
Doté de sonorités soyeuses et d'une production sans commune mesure avec ses prédécesseurs, "Trans-Europe Express" voit Kraftwerk délaisser le côté expérimental de son propos au profit d'une sophistication sonore de tout premier plan et d'une accentuation des aspects mélodiques, tout en y accentuant le côté répétitif de sa musique. Au final, ce nouvel album pointe tout en haut de la pyramide des albums de référence pour le genre, garantissant toujours autant de plaisir à son écoute, et ce 40 années après sa publication.