Surfant sur les cendres encore toutes chaudes de l'excellent "Trans-Europe Express", Kraftwerk poursuit un an plus tard son exploration des possibilités des synthétiseurs apportées par une électronique toujours plus performante, et publie en 1978 "The Man Machine", avec une écriture partagée pour la première fois au-delà du duo fondateur, puisque Karl Bartos est crédité sur tous les titres.
Basé sur le concept d'une musique pouvant être créée par des machines, ce nouvel album fait l'objet d'une sophistication extrême, tant sur le plan de la production qu'au niveau de la construction des titres et des choix de sonorités. Bien entendu, il s'agit toujours ici de musique électronique répétitive, basée sur des mélodies épurées pour aller à l'essentiel. Mais Kraftwerk y introduit un volet pop jusqu'alors mis en retrait au profit du côté expérimental de leur musique. Ceci débouche sur de véritables tubes, au premier rang desquels 'The Model' présente un schéma traditionnel couplet/refrain qui marque rapidement les esprits. Dans le même genre, mais en version allongée, l'introduction proposée par 'The Robots' est également révélatrice de ce nouvel état d'esprit.
Et au petit jeu de qui influence qui, on ne peut s'empêcher d'évoquer de fortes analogies avec les artistes de l'époque : 'Spacelab' et ses rythmiques disco rappelle inévitablement le groupe … Space de Didier Marouani et consorts (simple effet du hasard ?), tandis que Jean-Michel Jarre et son "Oxygène" sont conviés sur 'Metropolis'. Ce même 'Metropolis' voit de surcroît une présence accrue des percussions électroniques, donnant une dynamique toute particulière au morceau. Et bien entendu, on ne parlera pas ici d'OMD tant l'influence de ce nouvel album apparaît comme évidente pour le duo Humphrey/Mc Cluskey, y compris dans leurs travaux les plus récents.
Au-delà de ce simple virage pop, "The Man Machine" présente également une deuxième face où le côté répétitif de la musique s'accentue, tout en conservant son côté accessible de par ses mélodies accrocheuses, en faisant du coup un quasi album de référence pour la synth-pop qui va débouler juste après la vague punk et qui va inonder les années 80. Assurément le dernier grand album de la discographie de Kraftwerk.