Proto-Kaw : nom mythique qui a précédé Kansas, le groupe prog américain qui a œuvré de 1974 ... à nos jours, mais dont la “grande période” s’est étalée des débuts à 1982, avec des opus que l’on peut qualifier de majeurs comme "Leftoverture". Proto-Kaw donc est né à nouveau de ses cendres en 2002 sous l’impulsion de Kerry Livgren, claviériste mais aussi guitariste de Kansas, et fait paraître son troisième album : "The Wait of Glory". La tentation est donc grande pour l’auditeur de faire la comparaison avec l’illustre Kansas : comment Livgren a-t-il évolué en l’absence des autres membres du groupe, et surtout sans Steve Walsh, chanteur emblématique et co-compositeur de la plupart des titres ?
A vrai dire assez peu. Ne cherchez pas dans "Wait of Glory" des nouveautés techniques fracassantes, des sons extraordinaires, des voix déformées ou des démonstrations éblouissantes de virtuosité. Cet album ne cherche pas à en mettre plein la vue, et, en misant sur des valeurs sûres et mûrement acquises, parie sur le savoir-faire enrichi par l’expérience. Avec pour résultat, un album varié et de très bonne qualité à défaut d’être enthousiasmant.
Le morceau d’ouverture est impeccable : commençant de façon inattendue par les cinq premières notes du générique du film "Dune", il s’épanouit ensuite de façon très structurée et changeante, avec une section rythmique irréprochable. La flûte a remplacé le violon de Robie Steinhardt, et si le chanteur a changé, il faut reconnaître l’excellence du travail de Lynn Meredith au chant : grosse impression à l’entrée de cet album !
Sur la piste suivante, on retrouve les ambiances vaguement indiennes que Kansas affectionnait (période "Monolith"). Et les chœurs rappellent irrésistiblement l’ancien groupe ... Mais le morceau d’après ("When the Rain Comes") quitte résolument la piste Kansas pour entrer dans des ambiances sombres et contrastées que Steve Hackett aurait pu créer : une excellente pièce, originale et envoûtante.
'On the Eve of the Great Decline, plus intimiste, ne fait pas faiblir l’intensité, pas plus que 'Physic', où on reconnaît la patte de Livgren dans la façon d’utiliser les voix. Avec 'Osvaldo’s Groceries', le groupe se permet une incursion réjouissante sur un rythme ska, le plaisir de jouer se fait sentir de façon presque palpable, même si ce titre est moins intéressant, tout comme 'Old Number 63' (tiens, du rap !) et 'Melicus Gladiator', moins prenants parce que moins fluidement mélodiques (ou moins mélodiquement fluides, selon l’humeur). Par contre avec 'Vigil' et surtout 'Picture This' les titres restent dans un style immédiatement plaisant, naturellement abordable.
Et au moment de noter l’album, le chroniqueur est bien ennuyé : à regarder la qualité de l’ensemble, il est indéniable que cet album est sans défaut, agréable, impeccablement produit et interprété. Mais en privilégiant le savoir-faire par rapport à l'originalité, l'album perd un petit demi-point .... Tempérons cette relative pénalisation : "The Wait of Glory", ce n’est peut être pas l’album qu’on a irrépressiblement envie de passer en boucle, mais c’est la valeur sûre qui se ré-écoute avec plaisir.