Millenium est un cruel dilemme. Au cours de sa discographie, le groupe a souvent soufflé le chaud ('Ego', 'Puzzle') et le froid ('7 Years', 'Reincarnations') dans une école progressive polonaise remplie de talents (des plus récents Believe, Riverside.. aux plus anciens Satellite, Collage....). Difficile de se démarquer parmi cette pléthore de combos. Ainsi, le groupe a fait le choix de s'inscrire essentiellement dans la mouvance floydienne post "Dark Side Of The Moon". Millenium a le plus souvent suivi ce sillon sans trop sortir de sa zone de confort avec plus ou moins de réussite. Quel sera le constat pour cette nouvelle offrande qui marque l'histoire du groupe puisqu'il s'agit ici du dernier enregistrement avec son chanteur Lukasz Gall ?
Le concept proposé a la lourde tâche de répondre à la question : si nos parents meurent, cessons-nous d'être des enfants ? Ainsi, l'album collant au sujet revêt une douce mélancolie afin
d'exprimer des thèmes forts comme la perte d'un proche, la lutte contre
la maladie, la dépression, la nostalgie, les peurs et les divisions. L'exemple le plus saisissant est 'My Father Always Said' qui offre une
belle ligne musicale assez émotionnelle, presque enfantine, qui monte lentement en puissance, tout en retenue, pour atteindre son paroxysme avec le tant attendu solo de guitare au toucher remarquable de Piotr Plonka.
Bâti autour de trois titres relativement longs d'environ huit minutes et d'autres plus ramassés, l'auditeur retrouve tout ce qui fait à la fois le charme des Polonais, à savoir des mélodies bien senties, des soli de guitare au jeu gilmourien, des chœurs féminins chers à l'Anglais, tenus d'une jolie voix par Karolina ('Are We Lost ?', 'Liferunner') mais aussi ce qui fait le défaut du groupe, c'est à dire des constructions bien trop souvent classiques, surtout exemptes de surprise : couplet-refrain- couplet-refrain- beau solo - reprise du refrain qui sonne la fin du morceau.
L'un des principaux attraits de ce disque reste les interventions du saxophone qui parsèment chaque titre en y jouant parfois presque le rôle principal ('The Colors Of My Life') à tel point qu'il peut rappeler Chris White dans Dire Straits comme un écho à 'Your Latest Trick' ou 'Roméo And Juliet', sous un angle plus progressif, moins mainstream. Indéniablement l'ajout de ces touches apporte une note, non pas originale, mais qui densifie un propos restant tout de même trop propre et gentillet.
Millenium demeure un groupe rageant et pourrait illustrer l'exemple même du terme "frustration". Malgré des musiciens de grand talent, il manque ce petit grain de folie, cette petite étincelle pour mettre le feu afin de gagner en densité et au final en émotions. Celles-ci restent trop souvent contenues, la faute à l'architecture des titres manquant de piquant. C'est beau, toujours bien interprété mais l'ensemble est bien trop lisse, empêchant le groupe de franchir un palier qui tarde à venir. Dommage, car le thème pouvait être porteur de compositions fortes, plus torturées, surtout pour le dernier album de Lukasz avec le groupe. Même 'Ending Title', en titre bonus et servant d'au revoir au chanteur, ne réussit pas à sauver les meubles, poursuivant ainsi les lénitives 44 premières minutes.