Nous avions laissé les Grecs de Mother Of Millions sur un encourageant "Human" en 2014 et les voici qui nous reviennent avec ce "Sigma" cet automne. Leur metal progressif teinté de folk/world avait emballé la rédaction de Music Waves au point d'en faire un prétendant aux lauriers de fin d'année. Qu'en sera t-il de cette seconde offrande ?
'Emerge' plante magnifiquement le décor avec en introduction un texte parlé d'une voix intrigante suivie d'une longue montée en puissance dans une veine post rock servant de tremplin à 'Shine'. L'un des titres-phare de l'album débute par un riff saccadé au groove entraînant avant que le rythme ne se calme pour laisser la place à la voix de George Prokopiou d'abord douce et expressive, rappelant l'école néo prog polonaise, puis montant elle aussi en puissance jusqu'à des hurlements saisissants de maîtrise. L’enchaînement avec 'Silence' est presque imperceptible de fluidité tant les deux titres arborent des structures similaires faisant tous deux la part belle aux vocalises impressionnantes, aux riffs ravageurs et aux variations rythmiques intelligentes. Quant à 'Rome', elle propulse les Grecs au niveau de groupe comme Leprous ou Karnivool auxquels le titre fait irrémédiablement penser par un riff saccadé ultra efficace et un chant expressif très prenant.
Tout s'est amélioré depuis "Human". Mother Of Millions a su analyser ses faiblesses et les corriger, comme la production désormais limpide détachant distinctement chaque son de chaque instrument avec une précision millimétrique pour une découverte de nouveaux arrangements subtils ou de rythmiques élaborées à chaque écoute. Autre amélioration notable, le chant de George Prokopiou, métamorphosé, désormais d'une justesse exemplaire, capable d'une palette d'émotions impressionnante tant dans les phases calmes que sur les envolées les plus rugueuses.
Il en sera ainsi tout au long de l'exercice ponctué de passages instrumentaux brillants, de breaks limpides et, surtout, de moments de grande émotion telle le final hypnotique de 'Silence', ou 'Their Passage, Their Light' qui apporte une touche orientale avec ses percussions et instruments traditionnels et des violons enivrants. 'Collision', porté une nouvelle fois par la voix magnifique de George Prokopiou, évoque l'intensité atmosphérique d'un Tesseract et la puissance envoûtante d'un O.S.I.. Si le final de 'Spiral' reprend les guitares cristallines du post rock moderne, 'Sigma' clôt l'album dans un flot d'émotions sur un piano-voix mélancolique et la reprise du thème par des chœurs poignants. Comme quoi, lorsque le talent est au rendez-vous, trois minutes suffisent pour vous hérisser les poils. Magnifique !
Long de seulement 42 minutes, "Sigma" est d'une richesse d'écriture et d'interprétation incroyable et marque l'éclosion d'un jeune groupe capable désormais d'évoluer dans la cour des grands. Sombre et lumineux à la fois, l'album déclenche un plaisir instantané et révèle toutes ses subtilités au fil des écoutes que l'on vous promet nombreuses. Que les amateurs de metal progressif et atmosphérique n'hésitent pas une seconde avec l'achat de cet album qui concourt directement pour le titre d'album de l'année.