Guidés par les suppliques et les oraisons glaciales, résonnent en moi les voix harmonieuses et les chants païens, les vibrations noires de Lord Shades qui juxtaposent les humeurs mortifères, les explosions lumineuses et les vents de révolte. Sur ces terres musicales dévastées, les épées s'entrechoquent, alors que les mortels assoiffés de sang arpentent les champs arides où s'évaporent les essences des trépassés...
Après deux albums de grande qualité - parmi lesquels "The Rise of Meldral-Nok" a attiré des suffrages positifs - la formation nous injecte une nouvelle dose de black/death symphonique. Toutefois avec "The Uprising of Namwell". elle va plus loin qu'une simple offrande à la déesse de la violence : la musique au concept poisseux se fait progressive et telle celle de Septicflesh, elle propose, au milieu de voix rocailleuses et de guitares acérées, un intarissable flot d'orchestrations symphoniques.
Accompagné par les crépitements d'un feu de camp, par des paroles étouffées en fond, puis par un duo de guitares acoustiques légères, l'opus démarre calmement, comme une plongée progressive dans l'horreur, le calme avant une tempête ('Beyond The Wall Of Sleep'). Après cette petite musique de nuit, on sent la révolte se lever alors que les cors grondent, les percussions tonnent et que la guitare tisse une toile gluante. Ensuite 'Nightly Visions' envoie du lourd de chez lourd : sur un terreau death mélodique classique (Omnium Gatherum ou Insomnium), la composition nous fait entrer de plein fouet dans un âge d'or métallique avec une voix puissante, une batterie gorgée de doubles pédales et finalement une guitare aux mélodies entraînantes.
Le plat de résistance 'The Gift' débute par des accords mystérieux, des lignes de guitare troublantes, un rythme lent et plombé. Mais presque imperceptiblement, le titre se mue, la voix plonge dans des cavernes abyssales et égrène une colère plus sombre et le rythme se fait plus strict ou oppressant. Nous sommes comme sur des montagnes russes qui procurent à la fois le ravissement, l'angoisse et la peur mêlées.
Le groupe réitérera cet exploit sur 'A New Dawn', qui débute par un chœur à la mélodie poignante, comme une lumière au sortir de l'obscurité, les passages violents se mêlent aux oraisons gothiques, les riffs s'empilent, se modifient, les rythmes sont autant de variations qui pavent ce chemin délicat : un monument qui clôt l'album avec maestria, tout en nous laissant ravis et béats d'admiration.
Après un album de très bonne qualité, Lord Shades enfonce le clou avec cette fresque d'anthologie, au death mélodique ambitieux et alambiqué. La formation y propose une musique léchée dont les ramifications vont plus loin que la violence gore. Cet album indispensable confirme le potentiel d'une formation propre à rivaliser avec les plus grandes bêtes de la nuit.