Commençons par un postulat : j’aime les artistes qui osent, ceux qui prennent des risques, qui quittent leur zone de confort pour essayer quelque chose qui sorte de l’ordinaire. Peu importe le résultat, le fait d’avoir au moins essayé leur attire toute ma sympathie.
Clint Slate fait partie de ceux-là. Pour son deuxième album, il tente le pari improbable d’un enregistrement live intégral dans une salle de théâtre et d’une diffusion simultanée sur Internet, invitant les auditeurs à assister en quelque sorte à la création du disque. Alors que de trop nombreux musiciens s’isolent dans leur home studio pour tripatouiller leur banque de sons, que de trop nombreux groupes enregistrent aux quatre coins de la terre, leurs musiciens interprétant leur partition séparément des autres membres qu’ils ne rencontrent parfois jamais, lui joue la carte old school de la spontanéité, de l’organique, rappelant que la musique, c’est avant tout de l’émotion et du feeling, et que la technique, instrumentale ou de production, n’est que secondaire.
Certes l’exercice est risqué, surtout quand il s’applique à huit musiciens et une chorale qui n’ont pas la chaleur de l’ambiance d’un concert et les hurlements du public pour masquer les imperfections toujours possibles d’un travail sans filet. Celles-ci se résument à quelques harmonies vocales hasardeuses, à quelques résonances qui, loin d’être rédhibitoires, rappellent que la musique est un art vivant.
Cela nous donne un album à fleur de peau qui suinte d’une mélancolie fort agréable. Si l’atmosphère des dix chansons qui constituent cet album est souvent feutrée, la musique s’emballe régulièrement, évitant à l’auditeur de s’assoupir inconsidérément. Le sax vient ainsi pimenter les morceaux de ses improvisations débridées (l’excellent ‘Flowers‘) ou interventions langoureuses (le non moins excellent ‘Above the Moon’ aux effluves sud-américaines), tandis qu’un accordéon marin s’invite sur ‘Soul & Bones’.
C’est néanmoins le trio guitare/piano/voix qui s’impose le plus souvent, combinant les arpèges d’une guitare acoustique aux volutes d’un piano remarquable. Quant au chant, Clint Slate fait partie de ces artistes qui privilégient l’émotion et la sincérité à l’académisme. ‘Dead of Night’ ou mieux encore ‘The Last Laugh’ réveillent l’écho d’un Neil Young chantant ‘Ohio’, surfant sur la limite de la fausseté sans jamais la franchir, créant chez l’auditeur un sentiment d’inconfort et de profonde tristesse.
Cette humanité exsude de compositions d’une grande sensibilité. C’est finalement le titre le plus énergique, le plus rock, ‘Long Way From Home’, qui s’avère le moins attachant, fort heureusement suivi du romantique et dansant ‘Above the Moon’ et de la soyeuse rêverie qui ferme la marche, ‘The Wave’. "Woodn Bones" conviendra à tous ceux qui préfèrent une musique vivante plutôt qu’aseptisée et qui ne sont pas adeptes du perfectionnisme à tout prix.