Cela va sans dire, il y a quand même dans la grande famille des musiciens quelques allumés avec lesquels il faut s'armer d'une bonne dose de courage pour relever le défi d'écouter une de leurs productions d'une traite.
Hugh Hopper est un bassiste bien loin de ceux auxquels on peut reprocher, parfois à raison, d'être un simple métronome de luxe tout juste capable de balancer quelques ploums ploums sur chaque temps. Non, Hugh hopper est un artiste pour lequel le credo principal semble être l'expérimentation tous azimuts.
Ceci dit, ses aspirations à l'exploration musicale ne sont pas nouvelles puisque, rappelons-le, le monsieur a été l'un des piliers de Soft Machine et a également travaillé avec de doux dingues comme Daevid Allen et plus généralement plusieurs membres de la "galaxie Gong".
Mais ici, il s'agit d'une collaboration encore plus particulière puisqu'il s'est associé à un certain Matt Howarth, connu pour ses comics. Le dessinateur illustre ici, dans un fichier PDF fourni avec l'album, ce que la musique pour le moins complexe de Hugh Hopper est censée exprimer.
Mais parlons justement de cette musique : l'essentiel de l'album est articulé autour de ce qu'il est convenu d'appeler des jazzloops. Entendez par là que la structure en elle-même de chaque morceau est assez simpliste, à savoir un accompagnement qui tourne en boucle, plutôt dans un style jazz, et un soliste, voire plusieurs, qui partent dans tous les sens.
Alors il est évident dans un premier temps que si votre définition personnelle de la musique sous-entend la présence d'une mélodie facile d'accès, passez votre chemin. Ici, ce n'est pas le propos : les mélodies, quand elles existent, sont difficilement assimilables et ne servent elles aussi que de base à des solos tous plus jazz les uns que les autres. Certains sont même tellement torturés que c'est à se demander si quelqu'un d'autre que leur auteur comprend ce qu'il fait !
Mais n'allez pas croire que le talent est absent car le personnel de cet album vient pour la plupart des hautes sphères du psychédélique imprégné de jazz. Citons simplement Didier Malherbe ou Robert Wyatt et chacun comprendra qu'il ne s'agit pas ici de petits rigolos de passage. Non, on est clairement en présence d'un album de qualité mais également trop élitiste à mon goût et l'on pense assez souvent à ce grand du jazz qu'était Miles Davis, ce qui n'est pas une référence désagréable, convenons-en.
Si la découverte de The Stolen Hour est un bienfait pour la culture personnelle de chacun d'entre nous, je me demande honnêtement si beaucoup l'apprécieront sur le long terme. Comme dans tous les domaines, il faut peut-être savoir s'arrêter quand on va trop loin dans l'expérimentation.
Bien qu'intéressant, cet album souffre d'un gros défaut : après l'avoir écouté, on a furieusement envie de se jeter sur un bon album pop, comme s'il était besoin de réhabituer ses oreilles à des choses plus communes.