Malgré une existence particulièrement agitée, GUN n'a pas été absent de la scène si longtemps que pourraient le laisser croire les dates officielles de son split entre 1997 et 2008. En effet, même durant cette période, le combo écossais s'est reformé ponctuellement à plusieurs reprises pour différentes occasions. Bref, si nous ne sommes pas ici pour revenir sur l'historique du groupe de Glasgow, ce petit rappel met cependant en valeur l'importance vitale des frères Gizzi qui ont toujours réussi à faire vivre leur formation contre vents et marées avec une détermination et une indépendance typique des habitants du nord du mur d'Hadrien. Après un "Break The Silence" (2012) marquant un retour fort réussi et un "Frantic" (2015) passé plus inaperçu bien que toujours talentueux, voici que le quintet revient avec un "Favorite Pleasures" qui va encore occasionner de belles migraines aux esprits cartésiens ayant pour habitude de classifier les formations musicales dans des styles bien déterminés.
Souvent rangé dans la case dite hard-rock, GUN s'y est souvent senti à l'étroit, et encore plus depuis son retour officiel aux affaires. Avec ce nouvel opus, il semble même s'en éloigner presque définitivement. En effet, en dehors des guitares AC/DCiennes de la cover des Beastie Boys '(You Gotta) Fight For Your Right (To Party)', et un groove à la The Cult sur 'Take Me Down' ou 'Black Heart', tout le reste s'épanouit sur des territoires rock dont les frontières semblent avoir été effacées. De l'introductif et nerveux 'She Knows' à la ballade émouvante 'Boy Who Fooled The World' interprétée en piano - voix, les couleurs sont variées sans que la cohérence soit finalement réellement mise à mal. Et pourtant, les virages sont légion entre le glam 70's d'un 'Here's Where I Am', le rock-funk d'un titre éponyme irrésistible, la british pop d'un 'Silent Lovers' aux accents ensoleillés dignes de Madness, ou le rock très stonien d'un 'Go To Hell' terriblement efficace et au chant théâtral et sarcastique.
La prestation de Dante Gizzi est d'ailleurs à mettre en valeur tant le vocaliste se révèle être un parfait maître de cérémonie, superbement secondé par son frère Jools qui multiplie les riffs imparables et les soli lumineux. Le chanteur donne toutes les couleurs et toute la profondeur dont chaque titre a besoin en traduisant les émotions adéquates à chaque occasion. Ses performances permettent ainsi de marier fraîcheur et mélancolie sur 'Without You In My Life', de traduire l'amertume d'un 'Tragic Heroes' pourtant accrocheur avec son intro de guitare digne de U2, ou de faire preuve d'une sensibilité toute en retenue sur le délicat 'Boy Who Fooled The World'. Toutes ces variations réussissent à capter l'auditeur tout au long de l'album, même si les trois titres de l'édition spéciale se révèlent finalement plus dispensables bien que plus classiques pour le groupe.
Contrairement à de nombreuses formations dont le retour aux affaires s'est souvent traduit par une capitalisation sur une identité acquise durant les heures de gloire, GUN préfère continuer à évoluer et à faire preuve d'une indépendance lui permettant de découvrir sans arrêt de nouveaux territoires. Bien que chaque titre ait le profil d'un hit potentiel, il n'est pas certain que le non-conformisme du combo écossais lui ouvre les portes d'un succès qui le fuit après des débuts plus que prometteurs. Heureusement, les véritables amateurs d'un rock authentique et sans concession ne manqueront pas d'offrir à "Favorite Pleasures" l'accueil qu'il mérite avec une reconnaissance à la hauteur de son talent.