A l'époque où les pays scandinaves et nordiques phagocytent la quasi-totalité du paysage AOR / hard mélodique, quelques îlots tentent de résister à cette vague pourtant fort agréable. L'Italie et l'Allemagne gardent la main grâce à leurs labels (Frontiers et Aor Heaven), les Etats-Unis et le Canada cachent le désert à venir derrière quelques dinosaures de plus en plus fainéants, et l'Australie s'accroche au succès justifié de White Widdow. Quant à l'Angleterre, après la disparition de Steve Harris auquel n'aura pas survécu Shy, elle continue de justifier son statut historique d'île résistante avec quelques formations talentueuses dont Newman semble désormais s'imposer comme le leader. Après 10 albums sans la moindre faute de goût, le multi-instrumentiste revient avec un nouvel opus intitulé "Aerial" pour lequel il a réalisé une alliance transatlantique en confiant la production à Harry Hess (Harem Scarem).
L'avantage avec Steve Newman, c'est que l'on sait toujours plus ou moins à quoi s'attendre. Comme de nombreuses formations ayant imposé leur style, le binôme qu'il forme désormais depuis plusieurs albums avec le batteur Rob McEwen offre un AOR rutilant et dynamique, à la frontière du hard mélodique et reconnaissable dès les premiers accords. Le problème des refrains qui manquaient d'accroche est résolu depuis "Siren" (2013) et la nouvelle livraison se révèle même particulièrement riche en la matière. Même si les derniers titres se font un brin plus complexes, ils n'échappent pas à la signature apposée sur le début d'album avec ses bombes à fragmentation qui s'insèrent dans les neurones et les mémoires pour de longues heures. Difficile de dissocier certains morceaux d'un ensemble aussi cohérent, mais il faut bien reconnaitre que 'Can't Stop Loving You', 'Life To Remember', 'Vertigo (Leap Of Faith)' ou 'I Am Your Man' placent la barre particulièrement haut dans le genre.
L'autre force de Newman, c'est de toujours réussir à intégrer quelques évolutions discrètes mais suffisantes pour éviter le sentiment de redite. Sur ce "Aerial", il est remarquable de noter le travail d'orfèvre réalisé sur les claviers qui trouvent ici un parfait équilibre avec la guitare, cette dernière offrant quelques soli lumineux ('Fear Of Flying', 'Don't Wake The Lion', 'High Tonight (Aerial)' ou 'Still Bleeding'). La production sans faille d'Harry Hess n'est pas pour rien dans ce résultat et il serait dommage de l'ignorer. Quant à Rob McEwen, il propose probablement une de ses prestations les plus abouties en faisant preuve de variété et d'inventivité, comme sur ce 'Can't Stop Loving You' au groove imparable, ou sur 'High Tonight (Aerial)'. Enfin, si 'I Am Your Man' va droit au but sans fioriture, le dernier tiers d'opus qui lui fait suite propose des compositions plus complexes, variant les tempi et l'intensité.
Le résultat final de cet opus est tout bonnement sans faille. La cohérence est évidente et pourtant, les variations sont parfaitement calibrées pour éviter la moindre linéarité. Chaque composition prouve la précision de Steve Newman, aussi bien dans l'écriture que dans l'exécution. Le Britannique et son compère nous offrent donc un nouvel album incontournable dans leur discographie qui ne semble comporter que ce genre d'offrande. Voilà qui impose définitivement Newman sur les sommets du genre et comme leader d'un hard mélodique britannique qui ne semble pas décidé à déposer les armes devant l'armada nordique.