Quel est le point commun entre la danseuse de Charleston, interprète de 'J'ai Deux Amours', l'héroïque résistante et philanthrope Joséphine Baker et un groupe de rock progressif italien qui à l´aube des années 80 a aseptisé voire FMisé son propos ? La réponse est une rencontre en 1987 sous le nom de "Miss Baker".
Trois ans après la sortie du précédent album, le fan de la formation transalpine pouvait craindre le pire. Certes, si Josephine Baker était une femme généreuse, ses performances restent ancrées pour la plupart au sein des années folles et n´offrent aucune comparaison possible avec la musique de PFM. Les Milanais auraient-ils cherché à tout prix le succès (voire la respectabilité) en utilisant le nom d'une artiste connue universellement afin de s´assurer une évidente réussite commerciale ? A l'écoute de quelques pistes, les effrois se transforment en horreur. Si le diable pouvait damner les musiciens, il leur ferait jouer... du disco à tendance funky ! 'Prima Che Venga' et 'Tempo Tempo', malgré d´intéressants riffs de guitare, surfent sur une vague disco méditerranéenne à grands coups de trompettes, de chœurs féminins et de chant cajoleur (comme si Franz Di Ciccio avait pris conscience des conséquences de son chant magnétique sur la gent féminine). Contrairement à ce que l´on aurait pu penser, les chansons ne sont pas des reprises en italien du répertoire de Joséphine Baker mais des créations personnelles souvent lointaines de la danseuse. Certains titres sonnent très fleur bleue (´Un Amore Vero´), voire semblent recyclés sur les thèmes des précédents albums (´Fintra Lettera Di Addio Di Una Rock Star Per Farsi Propaganda´).
Le naufrage n´aura cependant jamais lieu car PFM va retrouver ses sensations instrumentales, comme lors du précédent album. Vittorio Cosma (futur Gizmodrome) vient épauler Fabbri derrière les claviers, libérant ce dernier qui s´en donne à coeur joie au violon. Les instrumentations travaillées sont propices à la rêverie. ´Un Amore Vero´ progresse à tâtons au son des errements de la guitare encouragée par les claviers (la suite ne convainc pas, le groupe utilise le violon comme cliché romantique), ´Fintra Lettera Di Addio Di Una Rock Star Per Farsi Propaganda´ est un rock à tiroirs, sur lequel les Transalpins retrouvent une once de verve progressive avec de nombreux breaks sur lesquels la guitare, les claviers et surtout le violon s´illustrent tandis que Franz Di Cioccio use de son organe avec justesse.
Mais surtout, PFM signe deux des titres les plus poignants de son répertoire. Sur des nappes nuageuses de synthétiseurs se déploient des arpèges lumineux de guitare acoustique relayés par quelques lointains échos de violon. Le ciel s´obscurcit, les percussions exotiques font entrer la guitare électrique dans la danse de la pluie. Franz Di Ciccio vient nous relater sa rencontre avec Josephine Baker "belle comme l´Afrique" d´une voix chaleureuse. La chanson s´achève avec l´idée que la musique est capable de suspendre le vol du temps (on aura beaucoup d´indulgence pour les Yeah Yeah du refrain). 'La Chanson d'un Aviateur' reprend la même recette que cette précédente réussite mais en y ajoutant la voix fragile de Patricia Revelli sur le refrain et un brin de nostalgie couplé à de la roche en fusion.
PFM poursuit son chemin dans les 80´s avec ce "Miss Baker". Si le groupe se laisse tenter parfois par les enivrants mais insalubres rythmes disco, les Italiens n´oublient pas leur héritage et soignent leurs compositions. Malheureusement, l´échec de cet album va valoir au groupe une première scission qui faillit être définitive... A noter que l´idée de la pochette a été soufflée par l´ancien violoniste du groupe Mauro Pagani.