Si il y a un style musical pour lequel les associations de pointures au sein d'un même projet fonctionnent bien, c'est le blues. Y a-t-il un lien à chercher du côté de l'état d'esprit général des musiciens pratiquant ce genre ? Difficile à dire, mais le fait est que les problèmes d'ego n'handicapent que rarement ce qu'il est courant d'appeler des super-groupes. Dans le cas des Américains de Supersonic Blues Machine, le résultat a été explosif dès le premier opus ("West Of Flushing, South Of Frisco" - 2016) dont le succès a été à la hauteur du talent exposé. Il n'est donc pas étonnant de voir le trio remettre le couvert à peine un an plus tard, non sans avoir déjà écumé les scènes en tout genre, avec en particulier une prestation remarquée à l'incontournable Notodden Blues Festival en Norvège.
En posant un regard sur la pochette et sur la liste des invités, il semble évident que la formule ne va pas être modifiée en profondeur, ce qui n'est pas pour déplaire à tous ceux qui avaient déjà sombré dans les délices du précédent album. Comme le dit si bien l'adage : "On ne change pas une équipe qui gagne !" C'est ainsi que nous retrouvons les Billy Gibbons, Robben Ford, Eric Gales et autres Walter Trout auxquels est venu se joindre un Steve Lukather qui figurait aux carnets d'adresses de Fabrizio Grossi et Kenny Aronoff. Et s'il n'est pas toujours très surprenant, le résultat est encore à la hauteur du pedigree de ses auteurs. Ces derniers s'amusent même à faire une forme d'épanadiplose en utilisant la même intro sur le premier ('I Am Done Missing You') et dernier ('This Is Love') titres de l'album qui intègrent également des éléments reggae tous les deux.
Et c'est un véritable double voyage auquel nous invite la Supersonic Blues Machine. Dans le temps tout d'abord, avec cette ambiance typiquement 70's qui n'est pas sans rappeler le Allman Brothers Band et ce côté auberge espagnole dans laquelle peuvent venir jouer tous les amis, mais également grâce à des titres à la fraîcheur typique du flower power mariant légèreté et énergie ('L.O.V.E.', 'The One' aux accents à la Santana). Lance Lopez ressort même la whoa-whoa le temps d'un 'The Stranger' au groove funky hyper accrocheur. Voyage le long des côtes californiennes ensuite, en variant les ambiances, parfois au sein d'un même titre, comme sur le blues-soul énergique d'un 'Elevate' aux accélérations redoutables et aux soli en fusion partagés avec Eric Gale. Il y a également ce 'What's Wrong' à la montée en intensité toute en maîtrise et sur lequel, en compagnie de Walter Trout, le groupe allie avec classe profondeur et puissance. A noter également le très ZZTopien 'Broken Heart' avec... Billy Gibbons, un 'Hard Times' aussi étincelant que classique avec Steve Lukather, ou un 'Cry' très soul et au feeling transpirant de chaque note.
Sans être le réchauffé de son prédécesseur, "Californisoul" en est cependant le digne successeur. Sans temps mort ni point faible, il offre une nouvelle démonstration du talent de ses auteurs légendaires. Avec son blues enrichi de soul, de funk ou de reggae, Supersonic Blues Machine s'impose déjà comme un incontournable du paysage musical ensoleillé du mouvement revival. Le seul point noir à la forme insolente des pointures du blues est le peu de place qu'il reste pour des nouvelles pousses qui vont avoir du mal à grandir sous des ombres aussi imposantes et au talent tutoyant le génie.