Si à sa grande époque il ne serait jamais venu à l'idée de Scorpions par exemple de chanter autrement qu'en anglais, le triomphe rencontré au milieu des années 90 par Rammstein a pourtant démontré que chanter en allemand n'était pas un frein à une exposition internationale. Doro n'a cependant pas attendu les Berlinois pour s'exprimer dans sa langue maternelle. Dès 1987, la ballade 'Für Immer', qui clôturait l'ultime album de Warlock, "Triumph And Agony", tentait ainsi le mariage à priori contre nature entre hard rock et paroles germaniques. Par la suite, il ne sera pas rare de voir la belle réitérer l'expérience, comme avec 'Alles Ist Gut' ou 'Tausend Mad Gelebt, placés respectivement sur "Angels Never Die" (1993) et "Love Me In Black" (1998).
Pour fêter les trente ans de ce classique de son répertoire qui sans doute mieux qu'aucun autre la symbolise, l'inoxydable metal queen a décidé de réunir ces chansons écrites dans la langue de Goethe, flanquées de (trop rares) titres revisités pour l'occasion en allemand. Aux côtés des 'Herzblut', 'Engel', 'Ungerbrochen', ou 'In Liebe Und Freundschaft' sans oublier bien entendu le morceau qui donne son nom à l'album et décliné à deux reprises, 'Give Me Reason' et 'My Majesty' se voient ainsi transformées en 'Ein Stück Ewigkeit' et 'Jede Seele Tief'.
Si le plaisir d'entendre à nouveau ces hymnes, auxquels l'allemand confère toujours une dureté empreinte d'un sombre romantisme, demeure intact, si de maigres raretés viennent compléter ce menu généreux, dont l'émouvant 'Seelied' et la reprise du 'Heroes' de David Bowie, rebaptisé 'Helden', si le talent de la belle n'est bien entendu plus à démontrer, nous sommes néanmoins en droit d'attendre autre chose de sa part que cette compilation déguisée qui trahit sinon une inspiration en berne, au moins un inquiétant penchant à regarder vers le passé alors que nous aurions tellement aimé la voir se fendre - enfin ! - d'un successeur à "Raise Your Fist", gravé il y a maintenant cinq ans ! Plus les années passent et plus les silences discographiques de la Teutonne s'étirent.
Quitte à proposer un album « allemand », il aurait été plus pertinent de privilégier les relectures plutôt que d'agglomérer des titres ayant dès l'origine bénéficié de ce traitement. Certes, cela n'entame en rien la dévotion que nous éprouvons légitimement pour la déesse dont la voix procure toujours autant de frissons mais "Für Immer" est un objet sans surprise et qui, au final, s'il tient certainement très à cœur à son auteur, n'a d'intérêt que pour ses admirateurs les plus fervents, ceux que même les miettes suffisent à rassasier.